Le confinement a balayé nos habitudes. Peu importe si nous aimions ou haïssions notre routine quotidienne : nous voici tous plus ou moins logés à la même enseigne. Et au bout du premier mois, nous nous sentons parfois… crispés.

D’un côté, nous avons dû apprendre à être constamment ensemble, à communiquer de visu et nous organiser (en famille, le plus souvent) dans un endroit clos, sans possibilité de fuite, afin de préserver notre “vivre ensemble”.
Et de l’autre, sur un plan cette fois professionnel, nous avons dû au contraire apprendre à ne plus côtoyer nos collègues, à communiquer à distance et à nous organiser dans des lieux séparés, sans possibilité de réunion en présentiel, afin de maintenir notre “travailler ensemble”.

Un pari d’autant plus ambitieux qu’en ces temps difficiles et incertains, nous ne sommes pas vraiment à notre aise…

Pour nous aider, il existe cependant des méthodologies dont on peut s’inspirer. Parce que la façon dont nous communiquons est plus déterminante que jamais, nous avons interviewé Adrien-Alexandre Allin, expert de la Communication Non Violente (CNV).

A.A. Allin, qu’est-ce que la communication ?

La communication est un outil qui nous permet de fractionner notre façon de parler. Ceci, afin de différencier simplement notre “émotion” de notre “besoin”. Il nous permet donc, d’une part de clarifier et d’autre part, de nous responsabiliser, par rapport à ce que nous ressentons, ce que nous faisons et ce qui provoque en nous des réactions.

En quoi communiquer est-il important en cette période de confinement ?

Tout simplement parce que l’homme est un animal social : il a besoin du contact humain. Mais ce contact humain est difficile à supporter quand tu dois le vivre 24 /7 et pour une durée indéterminée avec ton conjoint, tes enfants ou ton colocataire. C’est difficile, parce qu’on a également tous besoin d’avoir des moments pour soi-même, des moments de réflexion, de calme, de retrait.

La communication est alors primordiale pour pouvoir dire à l’autre, sans l’offenser, qu’on a besoin de temps pour soi, même si c’est aller s’isoler dans les toilettes pour y lire un bouquin (!). La personne en face de toi ne peut pas savoir ce que tu ne lui dis pas. Et c’est extrêmement important d’intégrer cela puisque la majorité des individus a tendance à présumer ce que l’autre pense, et bien souvent de manière erronée.

On a vu récemment une personne âgée se faire arrêter en Italie par la police. Le vieil homme a expliqué qu’il préférait mourir du Covid plutôt que passer une minute de plus avec sa femme : cette réponse sarcastique est très représentative ! Elle montre bien que nous avons tous un besoin de liberté, un besoin de nous recentrer sur nous-mêmes, mais que nous avons des difficultés à exprimer ce besoin à l’autre.

La communication permet justement de pouvoir expliquer ce que l’on ressent, ce dont on a besoin et elle est d’autant plus importante lorsque nous sommes confinés dans des endroits dont nous ne pouvons pas sortir.

Le confinement va-t-il changer notre manière de communiquer au travail ?

Je pense que oui. Avec le home office, nous avons actuellement la possibilité de comprendre et de voir dans quel environnement l’autre vit grâce à nos conf call, visio et vidéoconférences.

On entend le bruit de ses enfants, on le voit se faire titiller par ses animaux de compagnie, on lui pose des questions sur la façon dont il occupe son temps : nous cassons une barrière ancestrale tout en gardant notre professionnalisme. Il ne s’agit évidemment pas de devenir meilleurs amis mais nous apprenons à connaître nos collègues sous leur vrai jour, nous créons des liens forts entre collaborateurs, ce qui était difficile en temps normal. Et ce qui va changer, ce sera l’après confinement : la conciliation entre cette démarche de connaissance de l’autre et la reprise de notre quotidien professionnel.

Et je suis convaincu que c’est une opportunité merveilleuse ! Nous allons pouvoir accorder de la valeur aux besoins et aux émotions de nos collaborateurs pour ainsi recadrer les raisons et les motivations qui poussent chaque salarié à travailler dans l’entreprise. Si nous gardons cette communication en bonne intelligence, nous allons pouvoir fluidifier les échanges, éviter les non-dits qui créent énormément de frustrations et de malaises à l’origine de burnout ou de démissions. Nous allons pouvoir reshape : redonner forme à l’entreprise pour lui donner un dynamisme nouveau.

Qu’est-ce que la Communication Non Violente ?

La Communication Non Violente (CNV) est une méthodologie développée dans les années 1960 aux États-Unis pour désamorcer des situations de crise par de simples dialogues, mais aussi les tuer dans l’œuf grâce à quatre phases successives : observation, expression, compréhension et formulation.

D’après le principe de la Communication Non Violente, notre violence envers l’autre est en réalité le fruit d’une inadéquation entre qui nous sommes, ce que nous vivons, ce que nous faisons au jour le jour et ce que nous ressentons réellement : nos besoins, nos émotions, nos priorités profondes.

Grâce à cette pratique, l’individu est en mesure de clarifier l’origine de ses sentiments ainsi que ceux de son interlocuteur en fonction du contexte, décoder les fondements de son agressivité et mettre en lumière ses réelles motivations. Par conséquent, il va apprendre à mieux se connaître à la base et comprendre ce qui influence en lui son comportement et ses réactions.

L’objectif de la Communication Non Violente est cette compréhension objective qui permettra ensuite de formuler une véritable solution de sortie de crise. La CNV est utile pour régler des différends aussi bien sociétaux, professionnels que personnels.

Méthodologie de la CNV

Face à une situation de crise, la Communication Non Violente s’appuie sur la pratique régulière puis automatique d’une méthodologie très simple appelée l’OSBD : Observation, Sentiment, Besoin, Demande.

L’observation détermine le déclencheur : quand j’ai vu que tu étais sur ton téléphone pendant ma présentation de ce matin.

Le sentiment exprime l’émotion dégagée : j’ai ressenti de la colère et de la frustration.

Le besoin explique le sentiment issu de l’observation : parce que j’ai besoin de me sentir reconnu dans mon travail.

La demande formule une sortie de crise : pourrais-tu, la prochaine fois, écouter la présentation jusqu’au bout ?

L’usage de la Communication Non Violente n’est donc, en théorie, absolument pas compliqué mais demande énormément de pratique avant de devenir automatique. Néanmoins, elle nécessite une grande part de responsabilité, d’humilité et d’honnêteté envers ses actions et ses émotions : la base de l’OSBD doit être authentique pour réussir.

Il faut par ailleurs être prêt à recevoir un refus à sa requête. Peut-être que l’autre n’est pas apte à accepter ou contenter cette demande pour des raisons qui lui sont propres. Il faut ensuite être capable d’élaborer une stratégie pour trouver un compromis ou assouvir ce besoin ailleurs.

La Communication Non Violente distingue les girafes et les chacals : peux-tu nous en dire plus ?

La métaphore de la girafe et du chacal est une image destinée à nous faire prendre conscience des attitudes à adopter face à une situation de crise.

Agir en girafe c’est avant tout écouter l’autre, avec ses grandes oreilles tournées vers l’extérieur. C’est aussi prendre de la hauteur sur les événements grâce à son long cou qui lui permet de voir loin, ne pas prendre les choses personnellement. C’est agir avec bonté et bienveillance avec son grand cœur mais c’est aussi s’exprimer de manière claire, honnête et authentique avec ses sabots qui retranscrivent son humeur.

Agir en chacal, c’est tout l’inverse. C’est être dans l’agressivité, la rapidité, la peur, la recherche de l’intérêt personnel immédiat. C’est ne pas chercher à résoudre le conflit, mais à le fuir.

Que peut apporter la CNV au monde de l’entreprise ?

La Communication Non Violente est un outil extraordinaire en termes de management et de productivité.

Imaginez une entreprise où les individus expriment leurs demandes clairement, simplement et positivement en les argumentant d’une observation, d’un sentiment et d’un besoin. Contrairement à une situation où nous passons notre temps à interpréter les non-dits et les signaux faibles de nos collaborateurs, cette communication serait beaucoup plus simple et les décisions beaucoup plus efficaces. Il ne fait aucun doute que l’entreprise gagnerait énormément en agilité, fluidité et en productivité.

La pratique de la Communication Non Violente est également un outil précieux en termes de ressources humaines. Apprendre à connaître les besoins véritables de ses collaborateurs et surtout faire en sorte que ces derniers apprennent à les reconnaître permettrait de créer un cadre d’entreprise avec un dynamisme forcément positif. Les individus sont efficaces et proactifs dans leur travail uniquement s’ils s’y sentent bien, et ils s’y sentent bien uniquement si celui-ci assouvit chez eux un besoin : il faut donc apprendre à décoder ce besoin.

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Aurais-tu un conseil à nous donner pour être moins maladroit dans notre communication de tous les jours ?

Au-delà du recours à la CNV, il faut faire attention aux choix des mots. Nous devons bien entendu privilégier des mots positifs aux mots négatifs tels que “tu aurais pu être meilleur” à “tu as été mauvais” mais aussi aux images inconsciemment liées à ces mots. Par exemple, la formulation “encaisser une réflexion” fait appel à un inconscient de violence dans laquelle l’individu adopterait volontairement une posture défensive. Par contre, la formulation “accepter une réflexion” fait davantage appel à un esprit d’ouverture, nous sommes plus enclins au dialogue et à l’apaisement.

À découvrir : La différence entre les émotions et les sentiments « Et tout le monde s’en fout »

Ensuite, il faut éviter les réponses au tac au tac, c’est-à-dire notre tendance à réagir. Réagir, si on décompose le mot, c’est agir une nouvelle fois. C’est un comportement qui a déjà été mis en place au préalable et qu’on utilise en général comme une valeur refuge parce qu’on ne prend pas le temps de réfléchir, de décomposer et d’analyser la situation.

Bien souvent, une réaction n’est pas adéquate et on la regrette plus tard. Il faut faire l’effort d’accepter, de se détacher et de prendre de la hauteur sur le contexte afin d’y apporter la meilleure réponse possible dans une démarche d’ouverture, et non de fermeture.

À propos de :

Adrien-Alexandre Allin a cofondé ACE R/EVOLUTION

Adrien-Alexandre Allin s’attache à libérer le potentiel des individus afin de leur permettre de s’exprimer pleinement au sein de l’entreprise ainsi que dans un cadre plus personnel. Une démarche construite autour des valeurs de respect, d’efficacité, d’innovation et d’audace, et qui invite chacun à réaligner sa personnalité et ses aspirations.

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Au fait, chez Wojo on ne fait pas qu’écrire !

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