Le quiet quitting agite le monde du travail et les sphères médiatiques depuis l’automne 2022. Cette « démission silencieuse » en français, désigne l’attitude d’un nombre croissant de salariés qui, sans quitter leur emploi, décide de fournir le minimum d’efforts au travail pour accomplir leurs tâches quotidiennes… et rien de plus. Quelles sont les causes et les manifestations de ce phénomène ? D’où vient-il ? Comment l’entreprise peut-elle redresser la barre et remotiver ses troupes ? On fait le tour du phénomène.

Le phénomène quiet quitting, c’est quoi ?

Le terme quiet quitting, qui signifie démission silencieuse, a fait une entrée tout sauf quiet sur la scène médiatique après la publication en septembre 2022 d’une étude du cabinet américain Gallup. Cette étude révèle que les « quiet quitters » représenteraient jusqu’à 50 % du marché des actifs américains !

Mais qu’ont-ils de particulier ? Gallup les définit comme des « démissionnaires silencieux, qui se contentent de répondre à la description de leur poste, et rien au-delà ». Ces salariés ne démissionnent donc pas vraiment. Ils restent en poste dans la société, en effectuant le strict minimum, et puis voilà. Aux abonnés absents en dehors de leurs heures de travail, ils arrivent à l’heure demandée mais repartent aussi à l’heure fixée par leur contrat de travail. Ils mènent à bien les tâches qu’on leur confie sans rien faire qui dépasse du cadre de leurs fonctions. Aider un collègue, s’impliquer dans un projet interne en plus de leur travail, etc. Même pas en rêve. Pour ces tenants de la ligne du quiet quitting, travailler, oui, travailler trop, c’est fini.

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Des travailleurs français lassés de donner plus qu’ils ne reçoivent

La tendance fait l’effet d’une lame de fond, y compris en France. Une étude IFOP menée pour les makers.fr et publiée en novembre 2022 révèle que plus du tiers des actifs français se reconnaissent dans la définition du quiet quitting. 37 % déclarent ainsi refuser les heures supplémentaires, les tâches dépassant le cadre de leur mission et les interactions en dehors des heures de travail.

La même étude révèle que le quiet quitting touche plutôt les jeunes (43 % de moins de 35 ans), ainsi que les personnes appartenant aux catégories « pauvres » (47 %) et modestes (42 %), contre 32 % des catégories aisées. Le salaire entre en ligne de compte, puisque ceux qui gagnent plus de 2 465 € net par mois (catégories aisées, cadres) manifestent plus d’implication (64 %) que ceux touchant moins de 894 € net par mois (43 %).

Une autre étude du cabinet Gallup (2021) rappelle d’ailleurs qu’avec seulement 6%, la France est l’un des pays d’Europe où le taux d’engagement au travail est le plus bas (devant l’Italie tout de même). Première cause de désengagement professionnel : le management, notamment de proximité, essentiel pour créer des conditions propices à l’épanouissement. L’institut américain souligne qu’un taux d’engagement important des employés engendre plus de productivité et de rentabilité, de meilleures relations avec l’externe, un moindre turn-over, et moins de burn out chez les autres collègues qui ne sont pas obligés de compenser la faible implication des autres.

Quiet quitting : se désinvestir plutôt que démissionner

Les quiet quitters, conscients ou inconscients, ne voient pas leur attitude comme un problème, au contraire. Pourquoi renoncer à un CDI et à leur ancienneté, alors qu’ils s’acquittent de leurs tâches et ne nuisent pas à la bonne marche de l’entreprise ? Leur posture relève plutôt de la résistance face à de la culture de la performance et de l’injonction du « toujours plus ».

La viralisation du phénomène a été amplifiée par de nombreuses vidéos TikTok. Elles cumulent des millions de vues en rappelant aux travailleurs :

  • de penser avant tout à leur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ;
  • de ne pas s’oublier dans leur travail ;
  • de ne plus souscrire à l’état d’esprit invitant à se démener pour son boulot ;
  • de ne pas confondre leur travail et leur vie ;
  • que leur valeur n’est pas définie par leur travail ni leur productivité.

Ces vidéos dénoncent aussi la culture de la performance, qui conduit bien souvent au burn out et à la perte de sens. Ces arguments portent tout particulièrement auprès de la génération Z, qui rejoint le monde du travail avec des attentes très différents de celles de ses aînés. Lucides sur l’entreprise et le culte de la productivité, ils n’en attendent justement plus grand-chose… Et en juste retour des choses, estiment que l’entreprise ne doit plus attendre grand-chose d’eux non plus, ou alors moyennant des contreparties, de la reconnaissance et une vraie flexibilité. Cette génération priorise son bien-être au travail et son épanouissement, quitte à avoir moins d’ambition professionnelle.

Quand quiet quitting rime avec santé mentale préservée

Si l’on suit la logique des adeptes du quiet quitting, ce phénomène n’est pas une rupture avec l’entreprise, mais plutôt une évolution des relations. Les employés attendent de leur employeur que ces derniers reconnaissent la valeur qu’ils créent, leur versent de justes contreparties, sans leur demander plus qu’ils ne peuvent fournir compte tenu des ressources et du temps qu’on leur alloue. En résumé, ils font ce qu’ils peuvent, dans les conditions et avec les moyens qu’on leur donne, et si l’entreprise en attend plus… à elle de donner plus !

Les salariés veulent aussi pouvoir mieux concilier leurs vies personnelles et professionnelles, et trouver une adéquation entre leurs convictions personnelles et celles de leurs employeurs. Plus l’écart sera grand, et plus la tentation du quiet quitting sera forte pour limiter le phénomène de dissonance cognitive, épuisant à la longue. Se désinvestir pour se protéger, somme toute.

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Une tendance qui inquiète les entreprises

Pourquoi ce phénomène fait-il réagir les dirigeants et les responsables RH ? Après tout, ces salariés effectuent leur travail, alors pourquoi en faire un sujet ? En réalité, la tendance du quiet quitting inquiète car de nombreux postes aujourd’hui demandent une implication importante pour collaborer avec ses collègues et répondre aux attentes des clients de l’entreprise. Délivrer un service minimum a moins de chance de générer une satisfaction maximale, ce qui constitue à terme un risque pour l’entreprise.

Une faible motivation dans son travail entraîne aussi un faible taux d’engagement des collaborateurs vis-à-vis des ambitions de leur employeur. Deux facteurs qui peuvent peser sur la productivité et la collaboration au sein de l’équipe, et à terme impacter la performance de l’entreprise.

Le quiet quitting, une tendance qui vient de loin ?

Le phénomène a été nommé pour la première fois aux États-Unis, où il a émergé dans le sillage du Big Quit. On parle ici d’un véritable tsunami sur la planète RH, puisque l’année 2021 a vu en moyenne 4 millions de salariés américains quitter leur emploi… chaque mois ! Conséquence de la crise sanitaire, des questionnements engendrés par les confinements, du souhait de donner plus de sens à son travail et d’atteindre un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle… Tout se fond aujourd’hui pour aboutir à la tendance plus silencieuse mais tout aussi importante du quiet quitting, alors qu’inflation et marché du travail tendu crispent les relations entre employeurs et salariés.

Mais l’inquiétude des employeurs vis-à-vis de l’implication minimale de leurs salariés ne date pas d’hier. Frédérick Taylor, père de l’organisation scientifique du travail, alertait déjà sur la « flânerie systématique » (sic) de l’ouvrier dans sa théorisation du temps nécessaire à chaque tâche. Le sociologue français Renaud Sainseaulieu identifiait en 1988 la notion de retrait dans les modèles de sociabilité au travail. Dans son ouvrage L’Identité au travail (1988, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques), il explique que beaucoup d’individus rejettent la sociabilité au travail, au profit d’un investissement beaucoup plus riche dans leur sphère personnelle, afin d’accéder à une meilleure reconnaissance de leur identité personnelle, plus importante selon eux que leur identité professionnelle. Déjà, l’entreprise n’était considérée que comme une unité économique au service de projets parallèles ou futurs. Finalement, TikTok n’a fait que remettre sur le devant de la scène des sujets de fond du monde du travail.  

Êtes-vous un.e quiet quitter qui s’ignore ou en devenir ?

Et vous, quel est votre rapport à votre travail aujourd’hui ? Seriez-vous tenté par cette dissociation entre votre statut de salarié et d’individu ? En seriez-vous capable ? Voyons comment vous répondez à ces questions : si vous avez plus de cinq « oui », la question de votre quiet quitting se pose !

  • Je ne fais jamais d’heures supplémentaires
  • Je refuse des dossiers qui dépassent le cadre de ma mission
  • Je refuse des dossiers quand j’estime ne plus avoir de temps disponible pour les traiter
  • Je refuse de gérer des clients réputés chronophages ou difficiles
  • Je noue peu de relations avec mes collègues de travail
  • Je n’ai pas de plan de carrière bien établi, si ce n’est assurer un salaire suffisant pour mener une vie qui me convient
  • En réunion, je préfère me taire que donner mes idées, cela m’obligerait à m’impliquer dans leur réalisation
  • Je participe aux activités sociales au bureau, mais ne propose jamais de les organiser (déjeuner, pot de départ, fête de fin d’année, etc.)
  • Je ne me sens pas concerné.e par les objectifs de croissance affichés par l’entreprise, ils me semble décorrélés de mes objectifs personnels 
  • Je préfère aller pratiquer une activité personnelle à l’heure du déjeuner plutôt que de déjeuner avec mes collègues
  • J’ai une ou plusieurs passions dans lesquelles je m’implique en dehors du travail

Alors, ça donne quoi pour vous ?

Face au quiet quitting, que peuvent faire les entreprises ?

Le quiet quitting n’est pas une fatalité, et les entreprises peuvent se donner les moyens de doper la motivation de leurs salariés. Voici quelques pistes et conseils à explorer selon les secteurs d’activité, la culture d’entreprise et ses valeurs.

Donner la parole aux salariés sur leur expérience collaborateur

Le meilleur moyen de comprendre ce qui coince est d’écouter les ressentis. Une enquête de satisfaction permettra de lister les attentes des salariés, de prendre conscience peut-être de certaines incompréhensions ou problèmes de management. Les résultats seront communiqués de manière transparente afin de montrer l’intérêt porté par l’organisation à l’opinion de ses collaborateurs. Certaines mesures pourront être mises en œuvre et suivies dans le temps.

L’employeur peut aussi aider à libérer la parole en créant une plateforme d’écoute anonyme, soit via un prestataire externe, soit via une plateforme de messages où les informations sont anonymisées.

Reconnaître ses erreurs

Si l’enquête de satisfaction ou audit a fait émerger des points noirs dans la relation entre l’employeur et les salariés, il convient de les analyser et d’en faire une restitution. Ce sera l’occasion pour l’organisation de faire un éventuel mea culpa, ou de clarifier une position qui a été mal perçue afin de restaurer la confiance rompue avec les salariés. Là encore, transparence et sincérité sont clés pour toucher les collaborateurs.

Former ses managers

On ne rappellera jamais assez que les managers intermédiaires occupent une place compliquée entre le marteau et l’enclume. Chargés de mettre en œuvre la stratégie de l’entreprise, ils doivent aussi tenir compte des contraintes opérationnelles, des situations particulières au sein de leur équipe et faire remonter les besoins identifiés. Les bouleversements dans l’organisation du travail, avec l’explosion du télétravail, les attentes fortes en matière de flexibilité horaire et géographique nécessitent de les former à ces nouvelles méthodes pour trouver la bonne place auprès de leurs équipes. C’est d’autant plus important que des managers mal à l’aise dans leur rôle ont plus de risques d’adopter des conduites à risques, comme le harcèlement moral, le micro management ou le dénigrement.

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Proposer un cadre de travail attractif

Si les salariés traînent des pieds pour venir au bureau, à l’employeur de leur donner envie d’y rester ! Des bureaux modernes, accessibles, dotés de services renforçant le bien-être au travail (restauration responsable, espaces détente, extérieurs, activités sportives, etc.) contribuent à renforcer le sentiment d’appartenance à l’entreprise. Les animations proposées au sein de l’espace de travail favorisent aussi les interactions informelles au sein de l’équipe, et participent à sa cohésion.

Offrir de la flexibilité

La génération Z est particulièrement friande d’autonomie et de liberté. Pourquoi pas s’investir, à condition de le faire à sa façon. L’entreprise peut se doter d’outils collaboratifs facilitant le travail asynchrone et / ou à distance, chaque manager fixant avec son équipe les jours et horaires où tout le monde doit être disponible en même temps. L’employeur peut aussi apporter de la flexibilité géographique en proposant à ses salariés de disposer d’un accès à des bureaux flexibles proches de chez eux, afin de travailler dans de bonnes conditions sans être obligés de venir jusqu’au bureau. 

Développer l’employabilité et renforcer la gestion de carrière

Quel meilleur moyen de redonner un but à un collaborateur que de l’inviter à développer ses compétences et son employabilité ? Piliers de la marque employeur, la formation et la gestion de carrière aident à se projeter à long terme et renforcent la fidélité à l’entreprise. Le quiet quitting couve ? C’est le moment de réfléchir à un programme de formations attractives dont tout le monde sortira gagnant.

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Gérer l’offboarding des collaborateurs

Si malgré tous les efforts déployés, un collaborateur décide d’aller plus loin que le quiet quitting en quittant pour de bon l’entreprise, son offboarding constitue une précieuse source d’informations sur les raisons de son départ. Un entretien avec le manager et les ressources humaines permet de faire le point sur ses éventuels griefs, d’y apporter des réponses, et d’en tirer des pistes d’amélioration à déployer dans l’organisation. Et le collaborateur quittera l’entreprise avec le sentiment d’avoir été écouté, limitant le risque qu’il la dénigre ensuite.  

Quand le quiet quitting se transforme en vraie démission

Il arrive que le quiet quitting finisse par ne plus être si quiet, et que les résultats du collaborateur s’en ressentent. Si malgré les échanges avec le manager et les RH aucun terrain d’entente ne semble émerger, proposer une rupture conventionnelle du contrat de travail permettra de se quitter en bons termes, en évitant un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Un quiet firing, somme toute. Les modalités de cette séparation à l’amiable prévoient une indemnité légale et un solde de tout compte qui intègre :

  • l’ancienneté du CDI,
  • les congés restant à solder.

La rupture conventionnelle peut se déclencher à l’initiative du salarié ou de l’employeur. Ce dernier envoie alors une convocation qui lance le processus de rupture du contrat. Dans le cas d’un CDD, l’employeur peut rompre le contrat par anticipation. Le salarié a alors droit au versement des rémunérations qu’il aurait perçu jusqu’à la fin de son contrat. Dans tous les cas, il est préférable de consulter un expert juridique afin de bien cadrer la procédure.  

Le mot de la fin

Si le quiet quitting n’a plus de secret pour vous, vous aurez compris que le meilleur moyen de l’éviter est encore de le prévenir. En renforçant sa marque employeur, en écoutant ses collaborateurs et en faisant preuve de reconnaissance et de sincérité dans les échanges avec eux. Tout ce qui contribue à individualiser la relation, à souligner le rôle que chacun joue dans la réussite de l’entreprise doit être mis en avant avec humilité et bienveillance. À chaque organisation de trouver son rythme pour déployer toutes ces actions !

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