Pas toujours évident de faire rimer télétravail et concentration, ni même parfois travail et concentration. Saviez-vous que vous pouvez développer vos capacités d’attention, tout en créant un cadre propice à un travail efficace ? On en parle avec un expert du sujet, Xavier Delengaigne, expert en management des connaissances personnelles, et auteur de La Boîte à outils pour améliorer sa mémoire et sa concentration.

Sommaire

Xavier Delengaigne, vous travaillez au quotidien sur les sujets de concentration au travail et de mémorisation. Quels phénomènes observez-vous dans la période actuelle qui favorise le télétravail, à domicile ou dans des tiers lieux ?

La question n’est pas tant de savoir où l’on travaille, mais est-ce qu’il existe des éléments perturbateurs dans notre environnement. À la maison, des enfants, un conjoint, un poste de travail inadapté ; en espace de coworking, un coworker bavard…

Dans les deux cas, il est important de poser des limites et de demander aux gens de les respecter. Par exemple, à la maison, je ferme la porte quand j’ai besoin de concentration, et ouverte quand je suis sur des tâches moins complexes. En espace de coworking, je demande aux gens d’aller passer leurs appels ailleurs.

Dans chaque site Wojo, les travailleurs et télétravailleurs disposent d’un espace de coworking calme, fermé, où le silence est de rigueur. Est-ce que demander aux gens de passer leurs appels dans des espaces dédiés, tels que les phone box, suffit à préserver la concentration dans un espace de coworking ?

Cela limite bien sûr les distractions externes, comme l’agitation, le bruit. Le cerveau est équipé d’un système de veille attentionnelle pour éviter le danger, c’est ce qui nous a permis de survivre jusqu’ici. Sauf qu’une notification sur un smartphone, une alerte mail… activent ce système de veille : naturellement, vous allez regarder. Cela engendre une perte de concentration. Le mieux est donc de les désactiver pendant un certain temps.

Et puis il y a les distractions internes, où l’on pense à plein de choses en même temps. Si une pensée parasite survient, mieux vaut l’évacuer dès que possible, ne pas la laisser prendre de la place. Pour cela, gardez toujours à portée de main une to-do list (papier ou électronique) sur laquelle vous notez vos tâches à faire. Réservez-vous un moment dans la journée pour effectuer d’une traite celles qui demandent peu de temps.

N.B : Dans son livre La Boîte à outils pour améliorer sa mémoire et sa concentration (2021, éditions Dunod), Xavier Delengaigne propose des exercices pour identifier ses facteurs de déconcentration. Un bon moyen de trouver des solutions propres à chaque situation !

Aujourd’hui, quels sont les principaux défis auxquels sont confrontées nos capacités de concentration et de mémorisation (car les deux font la paire, comme vous l’expliquez dans votre livre) ?

On en est rarement conscient, mais la concentration est une ressource limitée. On parle d’attention soutenue, et le fait est que l’on ne peut pas rester concentré trop longtemps. Au travail ou en télétravail, notre temps d’attention moyen est de 20 minutes. Mais en ligne, il chute à 10 minutes ! Travailler sur un écran divise par deux la capacité d’attention.

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Mais nous sommes nombreux à ne pas pouvoir nous passer des écrans pour travailler aujourd’hui. Comment réussir à maintenir notre concentration en télétravail ou au travail plus de 10 minutes ?

Il existe plusieurs manières de stimuler son cerveau.

En adoptant la méthode Time Boxing, vous réservez des blocs de temps continus à un sujet, puis changez complètement de sujet pour réveiller le cerveau. La durée dépend de chacun : en moyenne, on observe que 45 minutes est une durée efficace, et en plus vous évitez de vous éparpiller.

La méthode Pomodoro, qui alterne séquences de travail de 25 minutes et pauses, permet de garder une très bonne concentration, mais demande un peu d’entraînement pour bien la maîtriser.

Vous pouvez aussi vous organiser en triant les tâches par urgence ou importance, sur le principe de la méthode Einsenhower, même s’il n’est pas toujours évident de faire la distinction entre les deux.

Il n’existe pas de bonne méthode : la plus efficace pour vous dépend de votre personnalité, de votre activité, etc.

Vous évoquez aussi le piège de l’éparpillement qui nuit à la concentration en télétravail. À quoi faut-il être vigilant.e pour y échapper ?

Réussir à ne pas s’éparpiller dans le multitâches est un autre défi. Pour cela, on ferme sa messagerie, on coupe son téléphone : on économise ainsi le temps que met le cerveau à se reconcentrer sur une tâche une fois qu’il a été distrait. C’est aussi vrai en télétravail qu’au bureau.

La Méthode Getting Things Done propose de s’entraîner au monotasking. Elle invite à travailler de manière séquentielle en regroupant les tâches : traiter ses e-mails, passer ses appels, gérer ses tableurs excel, afin d’avoir la concentration la plus efficace possible sur chacune. C’est important car le cerveau n’est pas fait pour le multitasking : switcher d’une tâche à l’autre provoque une grosse déperdition d’énergie.

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Avez-vous des conseils pour se fixer des objectifs ?

J’évoque la méthode SMART dans mon livre, qui est très efficace. SMART pour Spécifique / Mesurable / Atteignable / Réaliste / Temporellement défini. En effet, des objectifs trop vagues contribuent à dissiper l’attention et la concentration, tandis qu’un objectif précis aide à se tendre sa volonté pour le réaliser. Par exemple, réussir le TOEIC n’est pas un objectif SMART. En revanche, réussir le TOEIC avec 800 points en 2021 est SMART.

Est-ce que le télétravail accentue ces difficultés de concentration ?

En télétravail, on doit penser au travail, mais faire aussi face à l’effet de blurring. C’est-à-dire le flou entre vie privée et vie professionnelle. On pense à la machine à laver à lancer, aux enfants à aller chercher, etc. Bien compartimenter les sphères privées et professionnelles est essentiel ! C’est ainsi plus facile pour notre cerveau de switcher et de rester concentrer

La mémoire joue un rôle important dans tout cela, n’est-ce pas ?

C’est même un paramètre essentiel. L’être humain est limité en capacité de mémoire à court terme : on a observé que le singe est meilleur que nous en la matière ! Le cerveau ne peut pas gérer trop d’informations en même temps, sinon il doit les trier. Le meilleur moyen d’éviter ce problème est d’externaliser les informations. Vous pouvez les écrire, sur un papier ou un appareil électronique, l’essentiel est que cela n’occupe plus d’espace dans votre cerveau !

Votre livre propose quantité d’exercices pour muscler sa mémoire et renforcer sa concentration. Est-ce que tout le monde est capable de le faire, ou y a-t-il des inégalités ?

Nous avons tous une marge de manœuvre qui nous est propre. La mémoire n’est pas un muscle, c’est un processus, comme la digestion. Et de même que l’on peut favoriser une bonne digestion, on peut améliorer sa mémorisation en découpant bien l’information pour la « digérer » plus facilement. Les poésies que l’on apprend à l’école ne servent pas à grand-chose, contrairement aux idées reçues. On a testé les capacités de mémorisation d’un Américain qui avait passé 10 ans à apprendre un livre de 400 pages : à l’arrivée, il n’avait pas une meilleure mémoire que les autres…

Ce n’est donc pas tant la mémoire qui se travaille que les méthodes et les techniques.

En vous écoutant, j’ai l’impression qu’améliorer sa concentration en télétravail ou au bureau, tout comme renforcer ses capacités de mémorisation, revient à une question d’organisation. Quel conseil donneriez-vous aux personnes rétives à l’organisation, justement, qui ne savent fonctionner que dans le désordre ?

Je leur conseille d’expérimenter le mind mapping, un bon outil pour les gens désorganisés. Ils peuvent tout noter en arborescence, et se recentrer ensuite sur les choses à faire. Cette méthode invite à faire un brain dump, c’est-à-dire à sortir tout ce qu’on a dans le cerveau, pour mieux prioriser ensuite ses tâches.

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Vous consacrez un chapitre de votre livre au vagabondage mental, un concept dont on parle peu. Qu’est-ce que c’est, et pourquoi est-il important ?

L’idée derrière le concept de vagabondage mental, c’est de rappeler que le cerveau n’est jamais vraiment au repos. Des études d’imagerie ont montré que lorsqu’on ne fait rien, le réseau par défaut s’active. Votre cerveau essaie alors de résoudre des problèmes, vagabonde, et libère sa créativité. On dit souvent qu’il faut s’ennuyer pour être créatif, mais à condition de savoir ne rien faire sans s’ennuyer. Beaucoup de gens ont du mal, car le cerveau a tendance à ruminer des choses négatives lorsqu’il ne fait rien.

Comment rendre ce vagabondage productif ?

Vous pouvez nourrir ce vagabondage avec une thématique, ou en ayant toujours un carnet sur vous. Cela correspond à un temps pour penser que l’on n’a plus vraiment aujourd’hui. Autrefois, les écrivains, les aristocrates, le clergé… avaient du temps, et l’utilisaient pour penser et écrire. Aujourd’hui, nous sommes cernés d’information partout où nous allons, nous n’avons plus d’environnement propice à la réflexion. Il faut donc se le créer, ce qui n’est pas facile. Cela explique le succès de la méditation, cela aide à se poser.

Comme tout programme d’entraînement, en combien de temps peut-on espérer voir les résultats de votre méthode (si l’on s’entraîne régulièrement) ?

Tout dépend des habitudes et des personnalités. On dit qu’il faut un mois pour reprogrammer ses habitudes et prendre les bonnes. C’est une hygiène à mettre en place au quotidien. Plus on fait d’exercices d’entraînement, et mieux c’est ! J’ai dit plus haut que la mémoire n’est pas un muscle, mais les scientifiques sont partagés sur le fait que l’on peut muscler sa mémoire de travail, la mémoire vive : les exercices servent justement à cela. Le calcul mental en est un bon exemple, puisque vous devez retenir une information le temps de terminer votre calcul.

Plus on fait d’activités qui sollicitent la mémoire à court terme et de travail, mieux c’est. Des expériences ont montré que des gens étaient capables de retenir 50 mots en mémoire à court terme, à force d’entraînement. D’ordinaire, c’est plutôt cinq à neuf.

Le mot de la fin ?

J’ai envie de terminer sur l’idée que le cerveau est notre principal outil de travail, et que l’on n’apprend jamais à s’en servir correctement, en tenant compte de son fonctionnement. C’est l’occasion de le faire !

Et enfin, on parle beaucoup de mémoire, de concentration, mais pas assez d’énergie à mon sens. C’est important de rebooster son énergie, et encore plus en télétravail, car le décalage de son est très fatigant en visioconférence, le cerveau est obligé de se recalibrer en permanence. De plus, en visio, on ne peut pas se regarder dans les yeux : l’être humain considère cela comme un évitement, et le cerveau n’aime pas cela. En télétravail, c’est important de réfléchir à comment rebooster son énergie. En bougeant, en se levant car le cerveau est mieux irrigué debout, en sortant pour s’oxygéner, etc. Notre concentration et notre mémorisation appartiennent à un tout, il faut considérer la question d’un point de vue holistique pour progresser !


Merci à Xavier Delengaigne, consultant et formateur en management des connaissances personnelles, spécialisé dans la veille et le Mind Mapping. Il a écrit 16 livres dans les domaines de la pensée visuelle.

Ses blogs : http://www.del.fr / www.collectivitenumerique.fr

Au fait, chez Wojo on ne fait pas qu’écrire !

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