Et si la prochaine innovation à bouleverser notre quotidien était la révolution managériale ?

Car le management est un vrai sujet, qui nous concerne tous et qui impacte nos vies… en profondeur. Ainsi, au-delà de la productivité obtenue par le manager, il y a par exemple la prospérité économique de tout un écosystème. Au-delà du mal-être et de la santé des managés, il y a un malaise général, aux conséquences délétères sur nos interactions sociales… 

Nous assistons aujourd’hui à ce que Luc Bretones (CEO de Purpose for Good et organisateur de The NextGen Enterprise Summit en mars prochain), appelle la faillite managériale.

Il nous explique de quoi s’agit, quelles en sont les origines, mais surtout, quel est le remède. 

Luc Bretones, peux-tu nous expliquer ce qu’est la faillite managériale ?

La faillite de la pensée managériale est le titre d’un ouvrage du sociologue François Dupuy. Selon lui, les organisations persistent à appliquer des méthodes de management obsolètes, non pas par mauvaise volonté, mais par ignorance, ou manque d’intérêt pour les travaux issus des sciences sociales ; mais aussi en raison de la pression financière exercée par notre système économique qui laisse peu de place à des innovations dans ce domaine. Il dénonce un management déconnecté de la société actuelle et qui ne réfléchit plus : d’où la notion de faillite de la pensée.

À voir : présentation de l’ouvrage, La faillite de la pensée managériale par François Dupuy

Les deux grandes conséquences de cette faillite managériale sont :

  • le mal-être de nombreux collaborateurs en entreprise,
  • l’incapacité pour certains secteurs à recruter.

Un recrutement sous tension

Il est symptomatique aujourd’hui d’entendre des membres du comex de banques importantes déclarer : « plus aucun jeune ne veut venir bosser chez nous ». De façon plus générale, je constate que l’image des grands groupes s’étiole au profit d’entreprises dont le projet sera jugé plus intéressant. Même une rémunération importante ne suffit plus aujourd’hui à faire venir à elle seule un profil de valeur, qui veut pouvoir être fier de ce qu’il réalise et a à cœur d’en parler autour de lui.

Finalement, les talents aujourd’hui ne veulent plus s’investir dans des organisations construites sur une rentabilité à trois mois… ils expriment en outre un intérêt grandissant pour des projets positifs et durables.

Or demain, avant même l’innovation en soi, ce sont bien les forces vives de l’entreprise qui seront les garantes de sa bonne santé. Dans les mois qui viennent, de nombreuses sociétés vont se retrouver dans l’incapacité de recruter, car leur modèle est aux antipodes des aspirations des candidats.

Ne pas parvenir à recruter : comment en est-on arrivé là ?

Avant la faillite managériale, il y a l’agonie d’un système de financement de l’économie devenu lui aussi obsolète.

Les organisations quelles qu’elles soient ont pour but principal la livraison d’un résultat net (financier), qui est, à ce jour, le seul élément universel pour étalonner les performances d’une entreprise. Aujourd’hui, la loi des marchés financiers (et notamment ses investissements, réalisés à court terme) oblige toute entreprise cotée en bourse à produire un résultat maximal, le plus rapidement possible : les managers, tels des courroies de transmission entre les marchés et les salariés, sont soumis à des tensions considérables. Ils trouvent alors des méthodes de contournement pour générer des résultats… à tout prix.

La pression opérée par la loi du marché a deux conséquences majeures :

  • les résultats seront tôt ou tard déviants (cela débouche alors sur des scandales financiers tels que Wework, Enron…),
  • le management devient autoritaire, violent, avec une folie du contrôle, des performances évaluées mensuellement, voire quotidiennement.
  • Cette obsession de la facturation finit par nuire à l’entreprise… la sanction en bourse arrive, on change le management et on licencie. Mais on recommence avec une nouvelle équipe…

Tu as observé qu’en termes de financement, justement, les choses bougent…

Je vois deux grandes tendances se dessiner : d’abord, le changement de financement de l’économie et ensuite la spécialisation des fonds d’investissement.

Aujourd’hui on constate une chute significative des IPO (Introduction public offering). On trouve même des sociétés qui sortent de la côte pour reprendre leur destin en main !

Un nombre croissant d’entreprises souhaitent désormais pouvoir dialoguer sereinement avec un nombre restreint d’investisseurs… Elles se tournent vers des fonds d’investissement privés, prêts à les financer sur du long terme (5-10 ans), et à leur accorder le temps de construire leur identité et une différenciation forte.

Les fonds d’investissement privés se spécialisent de plus en plus dans des projets à impact social et environnemental (ou les deux) positif. C’est à la fois pour répondre à une pression sociétale, à une demande des créateurs d’entreprise, mais aussi par souci d’efficacité. En effet, les jeunes entreprises qui réussissent actuellement sont souvent celles qui ont un projet responsable et qui prennent le temps de se construire. Elles réussissent, notamment parce que ce sont elles aujourd’hui qui attirent et gardent les talents !

En réponse à la faillite managériale, tu proposes l’innovation managériale. De quoi s’agit-il ?

Le management c’est faire coopérer des personnes sous contraintes (de production, de coûts, de qualité). L’innovation managériale consiste à réaliser cette coopération par l’engagement en tenant compte des évolutions sociétales et en cherchant un impact positif.

L’un des premiers enjeux de l’innovation managériale est, comme évoqué plus haut, la capacité à attirer les forces vives : les nouvelles sociétés durables (celles qui s’adressent à des FI privés…), mais aussi les legacy qui ont déjà réalisé leur révolution managériale provoquent un déplacement des talents. Je les qualifie d’entreprises de nouvelle génération et elles sont des milliers ! Grâce à quoi il existe une littérature significative*, mais aussi des témoignages et partages d’expérience riches.

En face, des entreprises, parfois frileuses en termes d’organisation et de structure hiérarchique, prennent conscience de la nécessité d’évoluer et sont prêtes aujourd’hui à revoir leur management. J’entends des choses comme « on n’aime pas trop l’idée de la gouvernance partagée, mais on veut bien que vous nous aidiez à changer » ! Cela va dans le bon sens.

Et c’est pour faire se rencontrer ces deux écosystèmes que nous organisation en mars prochain une rencontre internationale sur le sujet de l’innovation managériale,  The NextGen Enterprise Summit ou Sommet de l’Entreprise de Nouvelle Génération.

À lire, au sujet de cet événement : La révolution NextGen Enterprise

Par où commencer quand on veut devenir une entreprise de nouvelle génération ?

D’abord, travailler sa raison d’être et ses valeurs, sa culture… de façon collective. Impliquer véritablement toutes les parties prenantes de l’entreprise, bien au-delà des seuls salariés. Et déterminer où on veut aller. Il faut également s’atteler à comprendre ce qui a fait son succès précédemment, tout en ayant bien conscience que ce n’est pas ce qui fera son succès demain… (un exercice difficile).

Ensuite vient le temps de la transformation managériale, qui peut paraître un monde, mais qui est secondaire par rapport à la réflexion sur la raison d’être, le projet de l’organisation et de l’écosystème qu’elle fédère. C’est une mécanique, qui peut aussi se faire progressivement. Une possibilité peut être de sélectionner des leaders sur leur aptitude à mener le changement, et qui seront les pionniers de cette transformation. Ensuite le principe se propagera de lui-même (c’est la stratégie de que je qualifie de “peau de léopard”).

Troisièmement, se pencher sur la responsabilisation des collaborateurs en renforçant leur autonomie, en installant une transparence saine (plus de rétention inutile d’information) et une distribution de l’autorité, fondée non plus sur des fonctions, mais sur des rôles indépendants des personnes, permettant ainsi à l’organisation de fonctionner un peu comme si elle possédait un réseau neuronal de petites équipes, qui réalisent des itérations courtes, mais permanentes. Avec, toujours, du feed-back sur ce qui est fait.

Le processus de prise de décision est déterminant : à mon sens, il ne faut pas hésiter à aller piocher dans les nombreuses méthodes disponibles et à les adapter à la marge en fonction des besoins des équipes. Car chaque entreprise est différente.

Peux-tu nous donner quelques exemples d’entreprises de nouvelle génération ?

Octo Technology

Le cas typique de l’entreprise qui grandit qui grandit, qui se perd en cours de route, pour mieux décider de se transformer, de façon continue et remarquable. Ludovic Cinquin, CEO d’Octo, a dû faire face à une crise identitaire de ses troupes, une fois atteint le chiffre de Dunbar… et chercher des solutions, en lisant, en partageant les expériences avec des pairs du monde entier. Vous trouverez dans son témoignage sa bibliographie et une description concrète de la révolution managériale d’Octo Technology.

Youse

Il s’agit d’une plateforme digitale de vente d’assurance automobile, habitation et prévoyance, lancée au Brésil en 2016. À l’initiative d’un groupe respectable (160 ans tout de même), qui évolue en outre dans un secteur peu connu jusque-là pour sa… souplesse : CNP Assurances !

La CNP, déjà connue pour ne pas avoir raté le train de la révolution digitale, teste clairement des nouveaux modes de management : Youse, qui a été créée avec un pool de 150 collaborateurs, fonctionne sur modèle de la gouvernance partagée. À suivre !

Michelin

Un témoignage qui intéressera les grands groupes (ou entreprises familiales), car c’est typiquement l’exemple d’une vénérable et très grosse société qu’il nous semble avoir toujours connu et que l’on imagine volontiers fonctionner à la papa…. Florent Menegaux, directeur général exécutif depuis 2017, a raconté la façon dont il a accompagné la transformation de l’entreprise. Une bascule qui concerne tout de même 130 000 salariés…

Et pour la suite…

Un rendez-vous important pour ceux qui veulent encore plus de business cases… : la parution, au mois de février prochain, de la synthèse réalisée par Luc Bretones à la suite de la collecte du témoignage de dirigeants de 30 pays, qui ont déployé de nouvelles formes de gouvernance et accompli leur révolution managériale.

luc bretones

Luc Bretones est le CEO de Purpose for Good et chercheur associé à la Chaire ESSEC en innovation managériale et excellence opérationnelle. Passionné par les nouvelles formes de management, il organise, en mars 2020 l’événement international The NextGen Enterprise Summit.


*Dans la bibliothèque de Luc Bretones :

Au fait, chez Wojo on ne fait pas qu’écrire !

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