L’ubérisation est-elle une fatalité ?

Maud Bailly, Chief Digital Officer chez AccorHotel depuis avril 2017, était chez Wojo pour nous parler, non pas de ses nouvelles fonctions auprès de Sébastien Bazin, mais pour répondre à la question suivante : « l’ubérisation est-elle une fatalité ? ».

Il faut savoir que Maud Bailly était en charge du dossier Uber/VTC vs Taxis lorsqu’elle était en poste à Matignon. De quoi se faire une idée des enjeux et des limites de l’ubérisation, quelle qualifie ainsi : émergence disruptive de pratiques digitales.

« Oui, l’ubérisation est une fatalité et elle est partout. »
Maud Bailly

La fatalité, c’est bien, parfois

Comme nous le fait remarquer Maud Bailly, l’ubérisation ne voit le jour que parce qu’elle répond à une demande.

Prenons l’exemple de l’économie collaborative (qui relève donc de l’ubérisation) : elle répond à la nécessité de faire des économies, la volonté de recycler, etc. Elle a toujours existé, de façon « artisanale » (le troc). Mais la pression était telle ces dernières années, qu’elle devait fatalement se développer en ligne et par là même, prendre une ampleur sans précédent.

Est-ce pour autant une mauvaise chose ? Voilà pourquoi Maud Bailly nous invite à parler d’opportunité, plutôt que de fatalité.

Autant s’y faire, nous prévient-elle : tous les secteurs ont vocation à « se faire ubériser ». Le digital permet aujourd’hui de faire vaciller, voire sombrer de vénérables modèles économiques : Airbnb vs l’hôtellerie traditionnelle, Uber vs Taxi…

Mais à y regarder de plus près, ces solutions, qui répondent avant tout à un nouvel usage, ne durent qu’un temps. Elle se font, elles aussi, rattraper (soit par une autre solution plus agile, soit en raison de leurs abus, soit parce qu’elles étaient illégales).

L’ubérisation est donc une sorte de tourbillon, à nous d’y voir une source de motivation et d’accepter de se faire aspirer. Finalement, c’est bien notre rapport à l’innovation qui est interrogé ici.

L’ubérisation, c’est bon pour nous

Qu’entendons-nous au juste par ubérisation ? Est-ce une mine sans fond d’injustice sociale, de travailleurs exploités, pratiques déloyales, évasion fiscale, abus monopolistiques… ?

Comme suggéré plus haut, selon Maud Bailly, l’économie collaborative, par exemple, n’est pas autre chose que de l’ubérisation, qu’il faut plutôt voir comme une forme d’innovation, une nécessaire et salutaire, évolution de l’économie… en faveur du consommateur. L’ubérisation serait alors une posture, une culture saine qui, certes, fait parfois primer l’usage sur les lois et pêche par excès d’agilité.

« Le digital infuse tous les secteurs de notre économie : tout a été pulvérisé par une multitude de start-up agiles, et c’est très bien ! »
Maud Bailly

Mais elle peut aussi bien être vue comme une chance par/pour ceux qui étaient présents « avant ». Car se faire ubériser stimule sainement la concurrence et vous contraint à performer, revisiter votre modèle et au final, améliorer votre offre de services.

Ainsi, dans le cas de Maud Bailly pour Accor, ses concurrents identifiées sont désormais non seulement les acteurs traditionnels de l’hôtellerie, mais aussi toutes les offres digitales de mise en relation… C’est toute la stratégie digitale d’Accor qui doit être revue.


Que le meilleur gagne ! Oui, mais…

Pas question, prévient cependant Maud Bailly, de laisser l’ubérisation créer une rupture dans notre pacte social en créant de l’iniquité, ou en captant la richesse bien loin du service rendu. Deux remarques :

  • il est du devoir des pouvoirs publics d’être capables d’agilité législative (idéalement, au niveau européen). Car on ne peut le nier, les lois sont parfois inadaptées, trop lourdes et requièrent un toilettage : l’ubérisation ne fait alors que révéler une règlementation devenue obsolète par rapport aux usages.
  • les « ubériseurs » doivent construire leur offre en respectant la souveraineté des Etats et celle de leur territoire, quand bien même ils privilégient, à juste titre, l’usage. Certes, que le meilleur gagne, mais avec les mêmes règles du jeu.

Lorsqu’elle était à Matignon, Maud Bailly a donc eu l’occasion de recueillir le point de vue de toutes les parties-prenantes sur l’affaire Uber/VTC contre taxis… et de voir où se situait l’intérêt général, au bout du compte. Est-il besoin de l’écrire ?

À la fin de l’histoire, les taxis ont nettement amélioré leur service (et peut-être retrouvé une certaine fierté dans leur travail ?), les chauffeurs VTC ont hérité d’un statut afin de les préserver d’eux-mêmes, et le client… a tout gagné.

Résumons-nous

Parce que nous n’avons pas de prise dessus, nous avons tendance à voir la fatalité d’un œil… frileux. Mais qui a dit que parce qu’un évènement devait « fatalement » se produire, il fallait le subir sans sourciller ?

« La vie a plus d’imagination que nous. »
Maud Bailly

L’ubérisation n’est rien d’autre qu’une contrainte, qui peut devenir une opportunité. Et au vu du témoignage de Maud Bailly, un peu d’enthousiasme, de confiance en la vie (et pourquoi pas…la fatalité ?), en nous-même, est un excellent moyen aller de l’avant. Et plus encore : de nous dépasser.

À propos de Maud  Bailly

Diplômée de l’Ecole normale supérieure, de l’Institut d’études politiques de Paris et de l’Ecole nationale d’administration, Maud Bailly a démarré sa carrière en 2007 à l’Inspection générale des finances.

En 2011, elle rejoint la SNCF qui la nomme d’abord directrice de la gare de Paris-Montparnasse et directrice déléguée du produit TGV pour la région Paris Rive-Gauche. Puis « directrice des trains », en charge de l’animation du réseau et de la transformation du métier de quelques 13.000 employés.

En mai 2015, elle est auprès de Manuel Valls au cabinet du Premier Ministre et devient chef du pôle économique à Matignon, en charge des affaires budgétaires, fiscales, industrielles et numériques. Dans ce cadre, elle s’est occupée de plusieurs dossiers de réforme de l’Etat (pilotage SI, achats, immobilier) et des enjeux post-Brexit de la place financière de Paris.

Maud Bailly est également enseignante en management public et sur les enjeux de la transformation digitale.

En savoir plus sur Maud Bailly

Article proposé par Laëtitia, Plume, etc. pour Wojo

Au fait, chez Wojo on ne fait pas qu’écrire !

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