La transformation digitale de la société contribue-t-elle à accélérer la décentralisation économique et politique du pays ? Il semblerait bien que oui. Alors que les grandes villes de France ne veulent plus exister seulement dans l’ombre de Paris et de ses décisions, les salariés eux-mêmes quittent la capitale, quitte à y perdre quelques euros. Au bout du chemin, de l’air pur et de l’espace, mais aussi des jobs intéressants dans des secteurs dynamiques.  

Paris, une capitale d’où l’on fuit

À l’heure où j’écris ces lignes, il serait possible de dire que la décentralisation économique française passe surtout par le Coronavirus… C’est dire que ce confinement imposé par ce virus est un indicateur fort : on vit mieux en dehors de Paris.

Pour preuve, ces familles entières qui ont fui la capitale en quête de quelques mètres carrés supplémentaires et de verdure pour passer ces semaines dans un cadre plus confortable. Ce serait ainsi plus d’un million de Francilien·nes qui seraient partis en régions à l’annonce du confinement, selon une étude menée par Orange à partir des données de ses abonnés téléphoniques. Car plus que l’isolement, ce que semblent chercher ceux qui choisissent de partir, pour quelques semaines de confinement ou pour un nouveau départ, c’est la qualité de vie, de plus en plus précieuse.

Même avant ce virus redouté, Paris intramuros voyait déjà ses habitants la quitter. Entre 2011 et 2016, Paris a perdu 0,5 % d’habitants selon l’INSEE, ce qui représente tout de même près de 40 000 personnes. Une goutte d’eau face aux deux millions d’habitants que compte la capitale, mais un indicateur fort pour les politiques, qui peinent à retenir les classes moyennes, comme le rapportait déjà Le Monde il y a quelques mois, ou Benjamin Griveaux avant de disparaître de la scène politique : « En cinq ans, on a perdu l’équivalent du 5e arrondissement, car les classes moyennes s’en vont. » Une goutte d’eau pas si petite, donc, surtout à la lumière des chiffres révélés en août dernier par Cadremploi, selon lesquels 82% des cadres franciliens aimeraient quitter Paris !

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Une décentralisation à plusieurs échelles

Les Parisiens, fatigués de se contenter de logements exigus, où le prix du mètre carré est presque indécent, vont chercher leur salut ailleurs. La preuve en est, ces quelques blogs aux titres bien sentis comme Paris, je te quitte ou avec moins de poésie, Paris, je me casse, qui réunissent des témoignages d’anciens Parisiens partis tenter l’aventure ailleurs, pour plus d’air, plus d’espace, plus de confort de vie.

On les retrouve d’abord dans des banlieues à visage humain, où le bon vivre est la norme (oui, cela existe). « Les anciens Parisiens s’installent majoritairement dans la petite couronne » expliquait ainsi Olivier Léon, directeur régional adjoint de l’Insee pour la région Ile-de-France au Nouvel Obs. Mais qui dit troquer son appartement parisien contre une maison avec jardin dit aussi plus de temps de transport, ce que les salariés sont de moins en moins prêts à accepter.  Une étude menée en 2018 par Paris Workplace montrait que les salariés ayant moins de 20 minutes de trajet étaient 48% à se projeter à cinq ans dans leur entreprise, contre seulement 37% pour ceux qui ont un trajet supérieur à une heure. Sans compter que le bien-être au travail décroît avec la longueur du trajet.

D’autres régions où services et qualité de vie sont au rendez-vous, comme la Nouvelle-Aquitaine, l’Occitanie et dans une moindre mesure la région Auvergne-Rhône-Alpes, attirent également nombre de ces ex-Parisiens, toujours selon l’Insee. La mer et le vert ressemblent à de nouveaux Eldorados des temps modernes…  à condition d’y trouver une connexion Internet. 

Le nomadisme, nouvel atout de fidélisation des salariés

Car c’est la Tech qui rend possible cet exode en banlieue ou en région, sans forcément renoncer à un métier que l’on aime ou se reconvertir dans la permaculture. Et certaines entreprises l’ont bien compris, au point de faire du télétravail un argument pour attirer de nouveaux talents.

« Les collaborateurs ne veulent plus rester à Paris ». Sacha Boyer, co-fondateur de MyNotary.fr, nous livrait déjà ce constat il y a quelques mois. Afin de fidéliser leurs équipes et pour ne pas faire face au fort turn-over parisien, l’entreprise a accepté de s’organiser sur la base du travail à distance, en mettant en place quelques règles simples, et en permettant à chacun de vivre où bon lui semble. Les outils numériques permettent cette transformation du travail de bureau, une évolution confirmée par les circonstances actuelles : pour travailler ensemble, pas besoin d’être dans le même immeuble.

La crise sanitaire du Covid-19 a contribué à accélérer cette prise de conscience : 74% de Français.es ont découvert le télétravail durant la crise sanitaire du Covid-19, selon une étude réalisée par Citrix, trouvant des solutions pour continuer à collaborer avec leur entreprise grâce aux outils technologiques. Olivier Bas, vice-président d’Havas Paris, nous rappelle dans son interview pour Chut n°2 – La Condition Urbaine, que « le télétravail en France avant la crise concernait environ 30% des salariés français du privé. » À l’issue du confinement, il pressent « une demande accrue des salariés, y compris de la fonction publique, de pouvoir télétravailler. » Les salariés y voient une opportunité de réduire leur temps de transport et gagner en confort de vie au quotidien : au management désormais d’instaurer de la confiance avec leurs équipes afin que ces nouveaux modes de travail profitent aux collaborateurs dans la durée.

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La Tech se déploie en régions

Face à ces changements sociétaux, à cette envie d’un meilleur cadre de vie, à cette possibilité de travailler à distance, les Territoires de France s’organisent. Ils veulent attirer à eux de nouvelles familles et de nouvelles entreprises d’avenir, afin de créer leur propre « success story ». Car cela bouillonne et innove aussi ailleurs (qu’à Paris) : et il y a fort à parier que la tendance va aller croissant à l’issue de la crise que nous vivons aujourd’hui.

La French Tech

Signe des temps, chaque grande ville a son portail French Tech, à l’image de Bordeaux, Lyon et Montpellier. Montpellier y rappelle par exemple qu’elle est le premier territoire en termes de création d’emploi dans les startups (chiffre Les Echos), et la première métropole en nombre de Pass French Tech (dispositif destiné à soutenir les entreprises d’hypercroissance) après Paris. Le soleil attire.

Alors certes, parmi les 120 entreprises de la mission French Tech lancée par le gouvernement français en 2019, 85 sont franciliennes. Cette sélection a pour but d’accompagner les entreprises en hypercroissance et de les aider à devenir ces licornes tant convoitées. L’enjeu ? La compétitivité européenne, et surtout mondiale. En 2019, la France ne comptait que 7 licornes face aux 182 américaines et 94 chinoises. Toutefois, cette sélection n’est pas forcément révélatrice de l’écosystème français. Pourquoi ? Parce que toutes les entreprises de la Tech n’ont pas prévu de devenir des licornes.

De belles moyennes entreprises voient aussi le jour et participent au maillage de la France, à la façon de ces Mittelstand allemandes qui contribuent grandement à l’essor économique de notre voisin. Certaines entreprises n’ont d’ailleurs pas attendu la création des accompagnements French Tech, comme OVH à Lille, l’une des rares licornes françaises. À Bordeaux, on trouve Cdiscount, le leader de l’e-commerce, ainsi qu’une succursale d’Ubisoft, leader mondial des éditeurs de jeux, dont le siège social est à Rennes.

Le dynamisme des régions

N’oublions pas les fonds publics qui contribuent à cet essor de la Tech en région. À l’université de Nantes, le Centre François Viète d’épistémologie et d’histoire des sciences et des techniques planche sur un programme d’envergure baptisé DataSanté avec le soutien financier de la région Pays-de-Loire. Son objet : une réflexion de fond sur le traitement des données en grand nombre et des algorithmes dans la médecine personnalisée.

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En Occitanie, la région accompagne depuis cinq ans une sélection de start-up au CES de Las Vegas. En 2019, elle a lancé la création d’une « Cité de l’Économie et des Métiers de demain » à Montpellier et avait prévu une « Cité des start-up » à Toulouse en 2020.

Nombreuses sont les villes qui continuent d’attirer de plus en plus de métiers de la Tech, selon l’étude sur Les salaires Tech en région d’Urban Liker. Malgré des salaires jusqu’à 30 % inférieurs à ceux des Parisiens, l’exode de la capitale vers les régions se poursuit. L’étude rappelle également que des entreprises parisiennes ouvrent des bureaux en régions. Plusieurs avantages à cela : le coût moindre des charges et salaires, et la possibilité de fidéliser les talents, dans des villes où le turn-over salarial est moins répandu qu’à Paris.

Alors oui, Paris réunit encore de nombreux pouvoirs économiques et politiques, mais on constate d’ores et déjà une évolution qui ne demande qu’à s’accélérer. Pas du jour au lendemain, mais petit à petit, au fil d’une transformation de la société et de ses valeurs fondatrices, avec des hommes et des femmes qui souhaitent tout simplement vivre mieux, sans pour autant renoncer à un métier qui les passionne.

Un article signé par Aurore BISICCHIA, cofondatrice du média Chut !, le magazine à l’écoute du numérique.

Au fait, chez Wojo on ne fait pas qu’écrire !

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