« J’ai vécu ça comme un échec ! » Combien de fois avons-nous entendu cette petite phrase en forme de confession ?! Une sentence, qui désigne une succession d’événements et actions dont l’issue ne nous a pas été favorable, et nous laisse un souvenir cuisant. L’échec est-il si négatif ? Nous avons rencontré Adrien-Alexandre Allin, coach professionnel certifié et cofondateur de A.C.E. R/EVOLUTION, à l’occasion de la deuxième édition de Webuild : et si on voyait le bon côté des choses ?

Adrien, comment définirais-tu l’échec au travail ?

L’échec est d’abord un sentiment. Plus précisément, c’est l’empreinte émotionnelle déplaisante laissée par un projet qui n’a pas abouti comme prévu : c’est du moins la définition que la plupart des Français retiennent. Mais en réalité, il peut y avoir du bon à échouer. Beaucoup de choses inestimables ont tendance à ressortir de ce processus. Avec le temps, ce que nous avons pu percevoir comme un échec est corrigé et, au final, cela devient en partie un succès.

Finalement, l’échec apparaît dès le moment où aucune leçon n’est tirée d’une situation donnée, quel que soit son résultat. Ce qui peut être communément appelé « une réussite professionnelle » n’est selon moi un succès que lorsque les stratégies et les autres principaux facteurs/acteurs qui l’ont rendu possible ont été observés et intégrés… Sinon, cela porte un autre nom : la chance !

On entend souvent que les Français ont un rapport particulier à l’échec ; peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?

Beaucoup d’entrepreneurs en général en souffrent. Ils veulent réussir et s’obstinent sans jamais prendre ce facteur en compte. En tant que coach, j’entends souvent (mais surtout en France) : « Je suis nul parce que je n’ai pas réussi à faire telle ou telle chose. » Apprenez à échouer de façon décontractée, échouez sans le prendre personnellement.

« Quand vous jouez une note, seule la suivante permettra de dire si elle était juste ou fausse. »

Miles Davis

L’échec est effectivement un tabou très français. Il est mal perçu, notre société y voit une faiblesse, une faute. Elle voit le succès comme une fidélité à la norme et au passé de ce vieux pays, connu en tant que grande puissance : l’échec est alors vu comme un manquement à cette tradition. Contrairement aux Français, les pays nordiques et les Américains estiment que l’échec est une expérience enrichissante et qu’il est la preuve de l’audace ! Ainsi, un Français met huit à neuf ans pour se relever d’un échec professionnel, un Allemand six ans, un Norvégien moins d’un an.

Malgré la vision culpabilisante des grands philosophes occidentaux, l’échec est une étape très importante sur le chemin de la réussite. Il fait partie de la vie, comme il fait partie de celle des entreprises. L’intérêt de faire des erreurs, c’est d’apprendre de ses mauvaises décisions et les transformer en positif !

Un manager a-t-il le pouvoir de convaincre un collaborateur qu’il n’a pas échoué ?

Au contraire, il est primordial que le collaborateur ait ce sentiment d’échec car, sans cela, il n’ira pas de l’avant. Toute action naît d’une émotion, et c’est à ce niveau que le manager peut jouer un rôle important, car une phase d’échec peut être très difficile émotionnellement pour le collaborateur (mauvaise estime de soi, baisse de productivité…). Le manager doit alors aider ce dernier à faire une dissociation identitaire : « Vous n’êtes pas votre projet. Vous n’êtes pas vos erreurs passées. Oui, les stratégies choisies pour atteindre l’objectif visé n’étaient pas adéquates, mais ces choix ne remettent jamais en question la personne qui les a faits. »

Un des aspects fantastiques du milieu professionnel, c’est que c’est l’environnement idéal pour se planter… Une erreur importante, ça ne pardonne pas. Sans avoir besoin de statistiques pour nous le démontrer, les gens échouent plus qu’ils ne réussissent : autant considérer notre travail comme un espace dédié à l’apprentissage et voir l’échec comme le laboratoire de votre réussite. C’est un endroit qui vous permet d’étudier plus en détail votre projet, et encore plus important, le lieu parfait pour en apprendre plus sur vous-même. Pour ceux qui aiment les idées un peu plus conceptuelles, considérez deux entités : d’un côté, vous ; de l’autre, votre projet… constamment en train de se nourrir l’un de l’autre, pour un épanouissement commun.

Dédramatiser ou valoriser l’échec, n’est-ce pas ouvrir la porte au relâchement ou à une audace démesurée ?

La dédramatisation de l’échec ne veut pas dire que l’on ne le prend pas sérieusement : dédramatiser, c’est dissocier les faits et les émotions déplaisantes qui l’accompagnent. Comme je l’ai dit auparavant, l’échec est indispensable pour l’amélioration des stratégies…

Lorsque nous considérons que nous avons échoué, notre entourage (ou un bon manager) nous invite bien souvent à relativiser. Inversement, lorsqu’un collègue échoue, nous relativisons sans peine : comment expliques-tu ce mécanisme ?

Nous sommes conditionnés pour un devoir de réussite, tout le temps. Mais cela va à l’encontre des rythmes qui nous bercent. La vie est faite d’une grande variété de rythmes : celui des jours et des nuits, être éveillé et dormir ; travailler et se reposer, etc. : toutes ces pratiques que l’on alterne et recommence. Notre vie professionnelle n’est pas différente : nous connaissons des succès, puis des échecs. En cas d’échec, nous développons de nouvelles stratégies et le succès revient. Ce rythme aussi est naturel. Voilà pourquoi je recommande d’essayer d’échouer avec décontraction, de ne pas aller contre ce cycle.

Voir un élément comme un échec a un impact néfaste sur d’autres aspects de notre vie et nous fragilise : nous en sommes conscients, mais appliquons cette sagesse plus facilement à autrui qu’à nous-mêmes, à cause du manque de recul que nous avons sur notre propre conditionnement !

Comment nous conseilles-tu alors de voir l’échec ?

L’idée même de qualifier quelque chose d’échec est en soi un problème. L’esprit humain a tendance à associer le concept de l’échec à une multitude d’idées négatives sur nos valeurs, notre sens critique, nos peurs, nos attentes, et cela peut vraiment devenir difficile à gérer pour la majorité d’entre nous. Plutôt que d’utiliser le terme « échec », employons la notion de « dérive ». Cela peut paraître futile mais, en se servant de ce terme, inconsciemment, votre cerveau va puiser dans un tout nouveau registre de mots aux connotations plus positives : imaginez être le skipper d’un bateau à voile ; vous voulez aller d’un point A à un point B. Vous allez passer votre temps à avancer en ricochets, en tirant des bords. Chaque modification de cap vous emmène un peu à la dérive. Mais c’est grâce à ces ajustements que vous arrivez à votre destination.

Et si tu nous faisais une apologie de l’échec au travail ?

L’un des grands avantages de l’échec est qu’il met en lumière les principes, les valeurs, les désirs, les peurs qui nous animent. Parfois, nous sommes inconscients des motivations qui nous poussent à agir, mais lorsque nous sommes frustrés de ne pas obtenir ce que nous voulons, nous n’avons plus d’autre choix que celui de prendre du temps pour nous arrêter et observer. C’est à ce moment-là que nous découvrons ce qui se passe vraiment en nous. C’est une opportunité à laquelle nous n’avons pas accès à travers la réussite : quelles sont nos stratégies ? Les avons-nous vraiment étudiées sous tous les angles ? Sont-elles véritablement des stratégies de réussite ou des stratégies d’échec déguisées ? À nous de décider ! En outre, la plupart des « prétendus » échecs, sont des choses qui se sont produites dans le passé, et que nous évaluons après coup.

Une approche très utile consiste à tirer des leçons de nos erreurs, mais surtout à s’intéresser de très près à ce qui vient ensuite. Votre histoire ne se termine pas là. Cette devise, en quelque sorte, peut aider à atteindre son objectif avec succès, grâce aux obstacles que l’on va rencontrer : prenez conscience de vos échecs et transformez-les en bénéfices !

À propos de :

Adrien-Alexandre Allin a cofondé ACE R/EVOLUTION

Adrien-Alexandre Allin a cofondé ACE R/EVOLUTION avec Edit Turi et Cyril Lobjois. Chacun, dans son domaine, s’attache à libérer le potentiel des individus afin de leur permettre de s’exprimer pleinement au sein de l’entreprise. Une démarche construite autour des valeurs de respect, d’efficacité, d’innovation et d’audace, et qui invite chacun à raligner sa personnalité et ses aspirations.



Article rédigé par Laëtitia Cognie
pour Wojo, Business Humanizer

Au fait, chez Wojo on ne fait pas qu’écrire !

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