C’était quand la dernière fois que vous avez passé trente secondes à ne rien faire ? Que vous avez pris le temps de faire quelque chose sans vous presser ? Si la réponse à ces questions est « ma foi, aucune idée », la lecture de cet article vous éclairera sur les mirages de la vitesse et les vertus de la lenteur. Des minutes bien employées, on vous le promet.  

Le 21 juin, c’est la fête de la musique en France, mais aussi la Journée Internationale de la lenteur. Lancée en 2001 par des Québecois, autoproclamés Lents d’Amérique, elle invite à s’interroger sur le rythme effréné imposé par notre époque, où l’urgence est devenue un mode de vie.

Derrière cette supposée maîtrise du temps, traduite par une hyperactivité chronique chez beaucoup, on trouve pêle-mêle des fantasmes de toute-puissance, le mythe du dépassement de soi et l’obsession de la performance. Les satisfactions qu’on en retire semblent bien minces, au vu du nombre de burn-out, reconversions et changements de vie qui émaillent de plus en plus de carrières. Mais pourquoi rechigne-t-on à être lents ?

La lenteur, cette mal-aimée de la société

La définition du Larousse illustre ce que le mot « lenteur » porte comme connotation négative dans notre société. La preuve :

Lenteur, n.f. :

  1. Caractère de ce qui est lent, de quelqu’un qui est lent. Ex : la lenteur des travaux.
  2. Manque de vivacité : comprendre avec lenteur, lenteur d’esprit.

Personne n’a envie d’être considéré comme lent, et encore moins dans son environnement professionnel. Parfois injustement confondue avec paresse, la lenteur rime avec manque de performance, de réactivité. Elle est même parfois carrément considérée comme un frein à la marche du progrès et de l’entreprise. Ouille.

Pourtant, ailleurs dans le monde et dans l’Histoire de l’humanité, la lenteur a meilleure presse. Chez les Malgaches, un proverbe populaire affirme « Mieux vaut lentement et bien, que vite et mal », assertion qu’il est difficile de contester. Chez les Grecs, on considère aussi que « L’eau qui tombe lentement perce un roc mieux qu’une cascade », quand les Latins, eux, considéraient que « Quelque lenteur vaut mieux que trop d’empressement ». À quel moment a-t-on laissé la machine s’emballer, et pourquoi ?

De la confusion entre urgence et précipitation

Héritage d’un certain darwinisme social ? Faire les choses vite est considéré comme l’apanage des forts, et suggère une agilité intellectuelle nous permettant de jongler avec aisance entre mille occupations et tâches. On se glorifie d’avoir bouclé ça « vite fait, bien fait », on affiche un agenda surbooké avec une fierté mal dissimulée, et on alimente ses fantasmes de démultiplication et d’omnipotence grâce au multitasking favorisé par la digitalisation massive. Une attitude qui cache en réalité une crainte éperdue de « perdre notre temps ». Chaque minute de notre journée doit être optimisée, rationnalisée, au service d’une quête de performance et d’efficacité obsédante.

Tous atteints de la maladie du temps ?

Le médecin américain Larry Dossey a théorisé dès 1982 le concept de « maladie du temps », qui définit la croyance très répandue en Occident que le temps s’écoule sans relâche, et que nous devons aller toujours plus vite pour profiter de la moindre miette.

Cette exigence de rapidité, que l’on s’impose souvent en priorité dans le travail, se ressent dans tous les aspects de notre vie. Les moments de simple détente sont toujours plus courts et plus rares, et nous sommes animés d’une impatience permanente, alimentée par le sentiment que le temps file, file, file. Résultat, nous ne savons pas profiter du moment présent, ni consacrer notre pleine et entière attention à une seule tâche de peur de ne pas avoir assez de temps pour accomplir la suivante. Absurde, quand on y pense, n’est-ce pas ?

Le prix à payer pour nos excès de vitesse

Cette culture de la rapidité nous coûte cher. Alors qu’on pense courir après une forme d’excellence et dompter le temps qui passe en optimisant chaque minute, en réalité notre rapport au monde et aux autres se vide de sa substance, ce qui nous fragilise. En termes de santé, avec le stress occasionné par cette course contre la montre permanente. D’alimentation, avec l’essor du fast food et la perte de contact avec le temps raisonnable nécessaire aux cycles de l’agriculture et de l’élevage. De travail, avec la précipitation qui nous pousse à avancer sans prise de recul et sans profondeur. D’environnement, d’amour, de vie de famille… et la liste est loin d’être terminée.  S’il vous manque un déclic salvateur, souvenez-vous de la conclusion de la célèbre fable Le lièvre et la tortue. Qui gagne à la fin ? Voilà.

Et si on donnait du temps au temps, cela donnerait quoi ?

Le journaliste Carl Honoré, auteur de l’Éloge de la Lenteur, ironise lors d’une conférence : « Tout le monde ces jours-ci veut savoir comment ralentir, mais ils veulent savoir comment ralentir le plus vite possible. »

Dans son ouvrage, conçu comme une enquête sur la culture dominante de la rapidité, il détaille différents exemples de modèles sociaux et professionnels où la lenteur est reine et le succès quand même au rendez-vous. D’après lui, il est temps de cesser de gaspiller notre énergie à vouloir gagner du temps : mieux vaut revoir ses priorités afin de consacrer le temps nécessaire aux choses importantes. « Apaiser radicalement notre esprit peut améliorer notre santé, notre calme intérieur, augmenter notre concentration et notre capacité à penser de façon plus créative », explique Carl Honoré. En effet, selon les spécialistes, notre cerveau dispose de deux modes de pensée. La pensée rapide, linéaire, analytique, logique, qui est la pensée dominante dans le monde professionnel et apporte des réponses pragmatiques à des problèmes bien définis. Et la pensée lente, intuitive, primitive et surtout créative, qui fait surgir des idées riches, inattendues, à des moments où on ne les cherchait pas… parce qu’on leur a laissé le temps de faire son petit bonhomme de chemin.

Comment se mettre à la pensée lente ?

Tout ceci vous a donné envie de devenir une tortue plutôt qu’un lièvre ? C’est tout un mode de pensée qu’il faut changer, et pas simplement quelques habitudes. Voici quelques idées qui vous aideront à prendre conscience des moments où rapidité et agitation s’avèrent contre-productives. La prochaine fois que…

  • vous devrez attendre (un train, un rendez-vous, etc.), forcez-vous à ne rien faire, et à observer ce qui vous entoure tout en respirant calmement,
  • vous serez sur le point de dire « dépêche-toi» à votre enfant, « c’est urgent » à votre collègue, « avance, toi » à la personne qui marche devant vous, demandez-vous si cette hâte est réellement nécessaire, et à quel besoin elle répond,
  • vous aurez envie de regarder vos mails alors que vous bullez dans un hamac à la campagne, prenez cinq inspirations profondes tout en admirant la course des nuages dans le ciel,
  • vous aurez un agenda qui déborde, prenez le temps de vous demander comment chacun de vos rendez-vous ou réunions sert vos objectifs à long terme. Vous devriez réussir à en supprimer une bonne partie sans ressentir de manque.

Finalement, c’est de lâcher-prise qu’il s’agit, d’accepter que l’on ne peut pas tout dominer. Et que le meilleur moyen de profiter du temps qui passe, c’est de profiter intensément de chaque minute, des sensations, émotions et intuitions qu’elle nous apporte si l’on prend le temps (toujours) de les laisser remonter à la surface.

Alors, on ralentit ?

À LIRE & REGARDER POUR ALLER PLUS LOIN

Eloge de la lenteur

Éloge de la Lenteur, de Carl Honoré, éditions Marabout (2013), pour comprendre les mécanismes de la course à la rapidité, et découvrir les  modèles à la lenteur est reine.

Ralentissez – Choisir la lenteur et réapprendre à vivreChoisir la lenteur et réapprendre à vivre, de Stéphane Szerman, Isabelle Gravillon, Delphine Le Guerinel, éditions Dunod (2018), qui mêle conseils et exercices pour décélérer et faire mieux, au travail comme ailleurs.

Article rédigé par Clémentine Garnier pour
Wojo, Business Humanizer

Au fait, chez Wojo on ne fait pas qu’écrire !

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