Alors que le dernier Index d’égalité professionnelle publié en mars 2023 révèle que les salaires des femmes restent en moyenne inférieurs de 14 % à ceux des hommes, la question de la discrimination au travail apparaît plus actuelle que jamais. Ce n’est pas un secret : les préjugés ont un impact bien réel, à tous les stades d’une carrière. Tentaculaire, la discrimination a de multiples visages, et touche tous les secteurs. Comment se manifeste-t-elle ? Quelles sanctions prévoient la loi ? Les moyens de lutter au quotidien ? Explications.  

Qu’est-ce qu’une discrimination ?

La discrimination au travail revient à traiter défavorablement une personne, ou un groupe de personnes, en fonction de critères personnels sans rapport avec les compétences professionnelles. Elle peut être :

  • Une discrimination directe : un salarié est traité de manière défavorable par rapport à un autre dans une situation comparable, sur la base de critères subjectifs.
     
  • Une discrimination indirecte : un salarié est désavantagé par une disposition, un critère, ou une pratique, susceptible de le pénaliser par rapport à d’autres personnes. Exemple : fixer des réunions à 8h le matin, créant une inégalité de traitement entre les parents qui ont des enfants à déposer à l’école vs les autres salariés. 

Les chiffres clés de la discrimination au travail en France

Les chiffres le montrent : la discrimination dans l’emploi progresse en France. Le 14e Baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi, publié par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT) en décembre 2021, dévoile que 18 % des 18-49 ans déclarent avoir « subi des traitements inégalitaires ou des discriminations » dans les cinq dernières années… contre 14 % en 2008 – 2009.

Selon ce même baromètre, les critères de discrimination les plus fréquents sont l’origine (11 %), le sexe (10 %), suivis par l’état de santé ou le handicap (9 %). Ces différences de traitement se produisent principalement lors d’un recrutement ou d’une évolution de carrière. Pourtant, ce phénomène va à rebours de la loi française, sévère sur le sujet de la discrimination au travail. 

Que dit la loi française à propos de la discrimination au travail ?

L’article de loi L 1132-1 du Code du travail pose le principe de la non-discrimination. Il stipule qu’aucune personne ne peut être écartée, de manière directe ou indirecte, d’une procédure de recrutement, de nomination, d’accès à un stage, à une période de formation, en raison de l’un des critères discriminatoires suivants :

  • Origine,
  • Sexe, identité de genre,
  • Mœurs,
  • Orientation sexuelle,
  • Âge,
  • Situation de famille ou grossesse,
  • Caractéristiques génétiques,
  • Situation économique,
  • Appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, ou une prétendue race,
  • Opinions politiques ou religieuses,
  • Activités syndicales ou mutualistes,
  • Apparence physique,
  • Nom de famille,
  • État de santé ou handicap.

La loi protège aussi les salariés contre le harcèlement sexuel ou moral, ou les atteintes à la dignité, qui sont aussi prohibées. Toute personne victime ou témoin d’une discrimination au travail peut saisir le Défenseur des Droits, les prud’hommes ou la justice.

Quelles sanctions prévoit la loi en cas de discrimination ?

Les personnes reconnues coupables de discrimination au travail encourent des sanctions civiles et pénales.

Si l’auteur des pratiques discriminatoires est un salarié, il risque des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave. Les sanctions civiles prévoient la nullité de la mesure ou de l’acte discriminatoire, et éventuellement, le versement de dommages et intérêts à la victime par l’entreprise.

Les sanctions pénales peuvent aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement, et 45 000 € d’amende, y compris envers les personnes morales. Elles grimpent jusqu’à cinq ans et 75 000 € si l’auteur des discriminations est un agent public ou responsable d’un lieu accueillant du public.

L’entreprise peut aussi être condamnée à afficher la décision de justice dans ses locaux et son site internet, et à publier un communiqué dans la presse… autant de mesures désastreuses en termes d’image.

Pourtant, la discrimination n’épargne personne… et surtout pas les femmes

Le cabinet EY a réalisé une étude sur le sexisme au travail en mars 2021. Sans grande surprise, hélas, 83 % des femmes interrogées considèrent le sexisme au travail comme une réalité. Comment se manifeste-t-il ? Les victimes de discrimination racontent : remarques sexistes (67 %), manque de considération (54 %), et le fameux plafond de verre (48 %) se partagent le podium.

Depuis l’entrée en vigueur de l’index de l’égalité salariale Femmes-Hommes au printemps 2018, on constate :

–          D’une part, que les femmes peinent encore à gravir les échelons hiérarchiques,

–          D’autre part, qu’un écart salarial de 14 % (en moyenne !) demeure entre hommes et femmes dans les entreprises du plus de 50 salariés, selon les résultats de l’Index de l’égalité professionnelle 2023 publiés en mars 2023.

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Une différence de traitement qui reste injustifiée au regard des compétences professionnelles.  Dommage, quand le rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT) de mai 2019 souligne que « près des trois-quarts des entreprises qui ont développé la mixité dans leur management ont augmenté leurs bénéfices de 5 à 20%. Et plus de la moitié d’entre elles ont reconnu que l’augmentation du nombre de femmes à la direction facilitait le recrutement de personnes de talent, et améliorait la créativité, l’innovation et la réputation de la société ».

Des discriminations tenaces fondées sur l’apparence physique

Plus encore, les codes vestimentaires ancrés dans des stéréotypes de genre continuent de régir certains emplois. N’enjoint-on pas les femmes de se maquiller et de porter des chaussures à talons dans certaines professions ? Ne nous y trompons pas, cela constitue une discrimination. Quant aux hommes, peu d’entreprises voient d’un bon œil le port de cheveux longs et la barbe fournie.

Le physique reste en effet très ancré dans la notion de professionnalisme. On le voit dans le cas de la grossophobie, qui continue d’être une cause de discrimination. La raison ? L’idée selon laquelle les personnes en surpoids le sont par leur faute et par fainéantise, et que ce manque d’engagement se traduirait dans l’exercice de leurs fonctions.

Le racisme, l’origine ethnique ou culturelle figurent aussi au podium des causes de discrimination. Même si la loi du 27 mai 2008 et sa charte de la diversité ont plus de dix ans, dans la réalité les attitudes de recrutement ne les reflètent pas. Comment se fait-il que l’identité, ou la couleur de peau d’un homme ou d’une femme puissent encore entraver son employabilité? Alors que certains changent de nom pour apparaître plus français, d’autres n’osent pas renseigner leur véritable adresse de peur du stigma lié à leurs origines sociales.

Les différentes formes de discrimination au travail


Les types de discrimination sont nombreux, et se manifestent à chaque étape du parcours professionnel des travailleurs.

Discriminations à l’embauche 

L’enquête « Pièces à conviction : qu’est-ce qu’elle a ma gueule ? », diffusée à l’automne 2019, montre des pratiques toujours d’actualité. Elle dévoile le traitement inégal subi par des candidats d’origine, de sexe et d’apparence différents au même poste, en raison d’une discrimination fondée sur des préjugés racistes, sexistes, et on en oublie.

Pourtant, la loi rappelle que, si l’employeur est libre d’embaucher le candidat de son choix, il ne peut en aucun cas fonder son éventuel refus sur l’un des critères cités plus haut, que ce soit lors de l’étude du CV ou de l’entretien d’embauche. Établir une discrimination à cette étape du recrutement tombe sous le coup de la loi. Pourtant, les préjugés ayant la dent dure et les sanctions difficiles à obtenir, certains candidats décident de soumettre un CV sans photo, de changer leur nom ou adresse pour contourner ces biais.

Bon à savoir : lors d’un entretien d’embauche, rien n’oblige le candidat à répondre à des questions sans rapport avec l’emploi proposé (situation familiale, origine, état de santé, etc.)

Discriminations au cours de la carrière

Même si chacun a le droit d’avoir un avis personnel (nous fonctionnons souvent par affinités), intégrer des facteurs subjectifs dans les décisions de progression de carrière s’apparente à une attitude discriminatoire.

Un salarié peut être victime de discrimination lorsqu’il demande une évolution de poste, l’accès à une formation professionnelle, mais aussi dans la négociation de son salaire. La discrimination peut aussi se manifester par une rupture abusive du contrat de travail, auquel cas le licenciement pourrait être annulé.

Bon à savoir : le RGPD (Règlement général sur la protection des données) impose la communication du traitement de données les concernant aux collaborateurs, et régimente le choix des données, pour qu’elles aient un lien direct avec les aptitudes évaluées.

Discriminations liées à la parentalité

Un point de tension encore vivace reste la grossesse et le retour de congé maternité, souvent associés à une perte supposée de productivité et d’engagement. L’index d’écart salarial s’intéresse justement à la proportion de femmes parmi les postes à haute responsabilité pour encourager les entreprises à dépasser ces biais sexistes dans l’emploi. 

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Discriminations liées à l’âge en fin de carrière

Enfin, l’inévitable obstacle de l’âge se ressent à partir de 20 ans de carrière. Quand les entreprises estiment avoir besoin de sang neuf ou de faire des économies, les collaborateurs seniors sont les premiers dans le viseur des ressources humaines. 

Pourtant, tout le monde reconnait aujourd’hui les vertus et la puissance de la mixité en entreprise : confrontation des points de vue, capacité à appréhender les sujets sous des angles différents, cheminements intellectuels complémentaires… Or, on n’atteint pas ce résultat en recrutant des soldats de plomb. 

Le collectif comme nouveau mode d’action contre les discriminations

Les pouvoirs publics travaillent à faire évoluer les mentalités, afin de prévenir ces comportements. Depuis la campagne « Les compétences d’abord » qui fit du bruit en 2016, des opérations de communication régulières sont organisées pour faire bouger les lignes. Pas assez vite au goût de beaucoup, qui misent sur les nouveaux leviers de mobilisation collective pour remettre ce sujet dans l’actualité.

Après le succès de la pétition « Pour dépoticher le métier d’hôtesse d’accueil », lancée en juillet 2019, qui avait valu à son autrice d’être reçue par la ministre du Travail Muriel Pénicaud, d’autres initiatives émergent pour dénoncer les biais et faire évoluer les mentalités.

« Stop aux discriminations dans le secteur du bâtiment » (octobre 2022) réclame par exemple l’envoi de CV anonymes, en plus de la formation des recruteurs et de sanctions dissuasives. « Pour une égalité salariale réelle entre les femmes et les hommes dans le secteur de la santé » dénonce les écarts de rémunération dans des métiers où les femmes représentent 77 % des effectifs, mais gagnent en moyenne 26 % de moins que les hommes.

Quels recours en cas de discrimination ?

Vous avez été témoin ou victime d’un cas de discrimination, dans votre entreprise, dans un espace de travail partagé ou tout autre lieu dédié à l’activité professionnelle ? Il importe de prévenir :

  • Les membres du CSE si votre entreprise compte plus de 11 salariés,
  • L’inspection du travail,
  • Les représentants syndicaux de votre entreprise,
  • Le Défenseur des droits, qui peut être saisi gratuitement par courrier, en ligne sur la plateforme antidiscriminations.fr, par téléphone ou dans l’un des 800 points d’accueil sur le territoire.

Auparavant, la HALDE s’occupait de la lutte contre les pratiques discriminatoires, avec la volonté de trouver une solution à l’amiable ou judiciaire, de mener des enquêtes et de recommander des modifications législatives. Depuis sa dissolution en 2011, ses missions ont été transférées au Défenseur des droits.

Vous disposez d’un recours pénal, en déposant une plainte auprès du Procureur de la République au commissariat ou à la gendarmerie. Vous pouvez aussi saisir le Conseil de prud’hommes pour demander l’annulation de la mesure discriminante et la réparation du préjudice.

Bon à savoir : en matière de preuve, la charge de prouver la discrimination repose sur la victime. L’employeur doit lui démontrer que sa décision était justifiée par des éléments objectifs, et non par des critères discriminatoires.

Quelques pistes pour lutter contre les discriminations au travail

Lutter contre la discrimination est un effort au quotidien. Même si nous portons tous des biais cognitifs, notamment induits par nos origines et notre éducation, il s’agit d’en être conscients et de tenter de les surmonter. Voici quelques actions pour combattre les comportements discriminatoires : 

  • Déterminer des grilles d’évaluation aux critères objectifs, en lien direct avec l’emploi pour prévenir les risques de discrimination par les managers ou autres décisionnaires hiérarchiques.

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  • Suivre et chiffrer les progrès réalisés pour mesurer les améliorations apportées.
  • Proposer des formations à l’identification des biais cognitifs et des faits discriminatoires. 
  • Faire preuve de vigilance entre collaborateurs, que ce soit concernant des propos au quotidien ou une décision managériale.
  • Modifier si nécessaire l’organisation du travail, afin de prévenir toute inégalité de traitement ou la promotion de certains groupes de travailleurs au détriment d’autres. Il s’agit par exemple de permettre aux collaborateurs de concilier vies personnelle et professionnelle de manière fluide.
  • Garantir l’égalité des chances en matière de formation professionnelle, avec la création d’un programme et d’un calendrier favorisant la participation des collaborateurs.
  • Valoriser une économie de la connaissance où tous les profils ont leur place. Par exemple, des programmes de mentorship, afin de stimuler l’échange de connaissances et d’expérience entre jeunes générations et seniors. 
  • Créer un climat propice à l’égalité des chances qui élimine certains motifs de discrimination, avec par exemple des aides apportées aux jeunes parents ou aux aidants, des espaces de travail accessibles à toutes et tous, etc.

Important à garder en tête : se libérer de toute forme de discrimination dans l’emploi ne se résume pas à supprimer des pratiques discriminatoires. L’organisation doit aussi promouvoir de manière active et sincère l’égalité des chances à toutes les étapes de la carrière de ses collaborateurs, lors du recrutement, du maintien des effectifs, des promotions, de la fin du contrat de travail, ou encore de l’accès à la formation professionnelle et au développement des compétences.

En bref

Lutter contre la discrimination doit être l’un des piliers des valeurs de toute entreprise. Miser sur l’ouverture et la diversité est source d’une formidable richesse dans les équipes, et un atout sur le long terme pour. Pour vaincre les préjugés tenaces et construire un écosystème de talents qui valorise l’égalité des chances, des actions de sensibilisation aux discriminations peuvent être menées régulièrement. Choisir les meilleurs travailleurs pour constituer son équipe, peu importe leur origine, leur genre ou leurs croyances personnelles, devrait être la seule priorité d’un employeur.

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