Emmanuel Vivier, cofondateur du Hub Institute (créé en 2012), est expert en marketing digital & digital transformation. C’est sans doute parce qu’il se voit comme un « vieux dinosaure du digital », qu’il a pris le temps de partager le fruit de ses expériences, dans un ouvrage coécrit avec Vincent Ducrey (cofondateur du Hub Institute). 
Le Guide de la transformation digitale (la méthode en six chantiers pour réussir sa transformation, Eyrolles, 2017) par Vincent Ducrey et Emmanuel Vivier a été conçu comme un véritable outil à l’intention des entreprises. L’on y comprend comment entreprendre, et réussir, non pas notre transformation digitale, mais ce qu’Emmanuel préfère appeler « notre évolution, liée au digital ».

Selon Emmanuel Vivier, la première question à se poser avant même de décider comment, est de savoir « pourquoi » se transformer : car vouloir s’adapter au client connecté est certes un défi, mais il faut bien comprendre que cela soulèvera des problématiques RH, technologiques, stratégiques… et impactera finalement l’entreprise dans sa globalité.

Il y a en réalité trois facteurs qui président à cette nécessaire évolution :
le consommateur connecté,
l’écosystème des start-ups,
— et les GAFAS (Google Apple Facebook, Amazon), ces géants du digital qui se diversifient pour désormais attaquer les secteurs traditionnels. Par conséquent, toutes les lignes bougent en même temps, et tout le temps, ce qui amène Emmanuel à conclure :

Aujourd’hui, ne rien faire, c’est reculer. Il n’y a donc pas d’autre choix que d’évoluer.

Emmanuel Vivier choisit l’exemple édifiant du premier vol transatlantique de transport de passagers dans l’entre-deux-guerres, alors que les compagnies maritimes se livraient une compétition féroce pour la construction de nouveaux paquebots (transatlantiques), toujours plus gros, plus rapides et luxueux…

Imaginez-vous à l’époque, alors que votre business était de faire des (gros) bateaux ? Vous réveiller un matin avec un avion qui fait le job ?

Bon technologique, nouvel usage ou nouveau mode de financement… la quantité d’informations à surveiller est considérable. S’il est assez simple de connaître et surveiller ses concurrents, voir venir le changement technologique qui va bouleverser notre secteur est une tout autre affaire !

Alors, comment procéder et par où commencer, tant il y a à faire ? Réponse en six chantiers

1. Où en est le leadership de mon entreprise ? Et le management ?

Rien ne peut arriver sans la volonté de la direction, certes. Mais Emmanuel Vivier, lui, voit les choses avec empathie.

« Être manager, ce n’est pas prendre que des décisions faciles : notre boulot de manager c’est […] de se forcer à prendre un peu de risques. »

Premièrement : pas facile, pour un grand dirigeant qui a passé sa vie à gravir les échelons, de se retrouver fragilisé une fois arrivé à la tête d’une entreprise : l‘informatique, puis le numérique imposent aux seniors de prendre des décisions sur des sujets qu’ils ne maitrisent pas. Une situation très difficile pour eux, à quelques années seulement de la retraite : comment vont-ils réagir, à votre avis ?

Au sein d’une même entité, nous avons toute une génération de travailleurs qui peine à se tenir à jour, alors que d’autres sont nés avec un objet connecté à la main…

Deuxièmement : notre culture latine, de l’excellence et de la hantise de l’échec, nous a rendus frileux en termes de risques.

Or le wait&see, qui est encore trop souvent notre mot d’ordre, a montré ses limites. Bien des entreprises mettent des années pour se décider à investir dans une innovation, qui de ce fait se retrouve obsolète, avant même alors même d’être assimilée par les collaborateurs… : voilà qui est ballot.

Il appartient donc à notre management d’encourager le test&learn, la curiosité, et de faire en sorte que les équipes n’aient plus peur d’aller au-devant de difficultés.

Il faut avoir la capacité, non seulement d’accueillir l’innovation avec tous les risques et aléas que cela comporte, mais aussi trouver les ressors pour supprimer les outils et process dépassés.

Selon Emmanuel Vivier, les trois questions à se poser sont alors :

— où anticiper le prochain changement dans mon modèle économique ?
— quel est le degré de diversité de mon réseau professionnel, mais aussi personnel (la diversité et la mixité étant déterminantes pour ne rien rater de ce qui se prépare) ?
— suis-je capable d’abandonner une pratique qui m’a permis de réussir, dès lors qu’elle est dépassée (ainsi, aurais-je été capable comme Netflix, de me rendre à l’évidence, et démonter tous mes entrepôts dédiés au stockage de DVD vidéo en location, pour tout miser sur le streaming) ?

2. Quelle est la culture de mon entreprise et comment s’organise-t-elle ?

Parlons ensuite du socle commun minimal qui nous rassemble et nous permet de travailler en bonne intelligence et dans la même direction…

La notion de culture d’entreprise dépasse quelque peu les Français, selon Emmanuel Vivier. Outre-Atlantique, l’important n’est pas tant de se tromper que de manifester l’envie de travailler à plusieurs, et garder intacte son adhésion inconditionnelle à la culture d’entreprise.

Le monde du travail a changé : 

Ne nous y trompons pas, cette dimension est tout aussi déterminante que les bouleversements dus aux innovations digitales. Comme le dit Ghislaine Doukhan (vice-présidente exécutive chez Safran Analytics) :

Il ne s’agit pas d’outils numériques, mais d’un changement de mentalité, de culture dans l’entreprise. 

Or réinventer le modèle d’une entreprise implique d’en changer les règles, de le faire savoir et de s’y tenir ! Ainsi, comme le rappelle Emmanuel Vivier, l’environnement de travail est devenu un critère de sélection assumé ; notre façon de vivre en entreprise s’est transformée ; le management pyramidal a fait long feu ; la culture du réseau prime désormais sur les notions de hiérarchie ; la valeur d’un diplôme n’est plus aussi importante que le « do it yourself » et surtout : l’important est d’être capable d’aller vite (quitte à être un peu brouillon), plutôt que de « d’avoir besoin » d’identifier tous les risques avant de se lancer. 

La culture d’entreprise, c’est chouette et rassurant : 

Face donc à de nouvelles façons d’appréhender le travail, la culture d’entreprise est un réel enjeu à intégrer : elle se vit, se pratique, se cultive… Il convient alors d’aligner l’intérêt des employés à une cause commune et de revendiquer ses choix, à l’instar des neuf commandements de Blablacar (Fun&serious), qui a su imposer une vision simple et claire, à même de servir de fil conducteur (…sans être ennuyeuse).

Une bonne culture d’entreprise s’énonce donc en quelques mots, et doit être capable d’

« emmener les gens avec la même philosophie, plutôt que de les forcer avec la même règle ».

La résistance au changement, cela se gère :

Si nous résumons les conséquences des révolutions numériques en termes de relation client, nous pouvons dire qu’il est aujourd’hui aussi important d’embarquer ses propres employés que ses clients

Ce qui ne manquera pas de bousculer quelque peu la façon de voir des plus anciens : or la résistance au changement n’est pas une exagération. Si personne n’est à même d’accompagner, former, expliquer le changement aux uns et aux autres, alors la perte de repères occasionnée prend le pas sur le bénéfice attendu… et tout devient plus laborieux.

Emmanuel Vivier nous met en garde : il faut bien comprendre qu’avec internet, tous les métiers évoluent désormais… en permanence. Il n’est plus possible d’avoir de répit : ceci demande donc une agilité, une souplesse et une réactivité de chaque instant qui peut être épuisante et même, comme notre orateur, « très dure à encaisser ».

Le CDO (Chief digital officer), ce héros :

À ces pressions, il faut ajouter que les GAFA s’offrent sans difficulté nos meilleurs cerveaux… Il faut donc rendre son entreprise attractive.

Bien souvent il n’y aura pas d’autre choix que de mettre en place un CDO, qui devra cependant être accueilli, écouté et doté d’un certain budget si l’on veut obtenir des résultats. Ce dernier aura la lourde tâche de préconiser des changements qui mettront des années à être opérationnels…

Hop, hop… et youpla ! La souplesse, c’est bien :

Pas d’autre choix, par conséquent, que d’instaurer un management agile : pour y parvenir, il faut plus de collaboratif ! Comment inverser la tendance, redonner le goût de l’autonomie à nos collaborateurs, les réconcilier avec la transparence, leur donner confiance et valoriser l’innovation : autant de nouveaux réflexes à retravailler. La curiosité et le goût de la formation sont indispensables.

Or aujourd’hui, nous avons la chance de pouvoir apprendre comme nous le voulons et quand nous le souhaitons (MOOC, e-learning, applis, conférences, newsletter…).

Reste la question de l’envie : à charge pour l’employeur de recourir à des biais subtils… et de ne pas hésiter à personnaliser l’offre de suivi. Le vendeur de chaussures américain Zappos, pour sa part, met à la disposition de ses salariés deux life coach… parce que le simple fait de vouloir améliorer sa vie (et donc être prêt à en changer quelques aspects) permet de travailler sa souplesse d’esprit !

Ainsi, lorsque le Hub Institute organise le HUBForum (devenu une conférence marketing incontournable), des conférences mensuelles (HUBDays) et des rencontres (le HUBKlub, qui rassemble 40 marques), la démarche est bien la même : cultiver la curiosité, rester attentif et « ne pas rester dans la théorie », mais bien confronter concrètement les expériences et les idées…

3. La technologie, c’est cher, mais c’est bien

Avez-vous remarqué que nos devices personnels (tablettes, smartphone…) sont plus récents et bien plus performants que ceux que notre employeur met à notre disposition ? Il arrive que les gens se créent une IT (Information technology) parallèle afin de pouvoir travailler.

Pourtant, il n’y a rien de pire pour le travailleur motivé, que de perdre son temps sur des outils obsolètes, qui rament, ou n’acceptent pas les dernières mises à jour… sans parler de l’image de l’entreprise.

Avoir des objets connectés représente certes un capital investissement énorme et parfois risqué, mais cela permet à coup sûr de limiter les pertes.

Voici alors un nouveau défi : quand investir, et sur quoi ? Se précipiter sur une nouvelle technologie, c’est la payer cher alors qu’en plus, elle n’a pas forcément fait ses preuves… Prendre trop de temps, c’est se laisser dépasser.

C’est en principe au DSI (Directeur des systèmes d’information) que revient la difficile décision d’upgrader le matériel déjà existant ou de le renouveler, en sélectionnant le produit le plus adapté aux besoins de l’entreprise (qui ne sera pas nécessairement le plus Hight Tech).

4-5. Les données, le marketing et l’expérience client

Bon. Et derrière la techno, il y a les objets connectés, qui ont révolutionné nos stratégies commerciales.

De nos jours, un directeur marketing se doit de maîtriser les données les algorithmes et la big data, d’être à même de dialoguer avec le DSI de mettre en place le tracking de ses cibles…

Au fil des révolutions numériques, les équipes marketing ont bien compris qu’elles devaient écouter ce qui se dit sur les réseaux sociaux sur leur marque, afin non seulement de remédier aux sources de mécontentement, mais aussi de repérer les nouvelles tendances, ou encore être à même de réagir en situation de crise.

Il faut désormais être capable de créer du « contenu 365° » tous les jours ; d’inventer un marketing qui ait, si possible, l’allure d’un service ; de communiquer sur tous les supports (vidéo, le social, le mobile) : une somme de contraintes et autant d’opportunités de se réorganiser et produire différemment.

6. Miser sur la mesure

Enfin, dans un monde qui va très vite, où tout se sait très vite, le chief performance officer est une fonction qui a de beaux jours devant elle. Car il devient impératif de pouvoir mesurer plus vite, pour décider pus vite d’investir encore plus, ou au contraire de changer de direction.

Pour être capable de développer son business avec une longueur d’avance, il faut savoir transformer une donnée en une information, utile de surcroît. Il y a, là encore, un enjeu qu’il ne faut pas négliger, car :

— une donnée imprécise (ou une mesure qui ne serait pas juste) est inutile,
— une donnée de qualité est un atout… à condition d’en faire un usage pertinent…

Il faut alors démocratiser l’accès à la mesure : chaque collaborateur devrait disposer, en temps réel de ses indicateurs, afin d’être performant de réajuster aussitôt sa façon de faire. Des outils certes énormes, en termes de conception, budget et mise en place, mais qui démultiplieront à coup sûr les performances de l’entreprise…

Selon Emmanuel Vivier :

Le futur virage à ne pas manquer en termes d’innovation serait bien celui de la mesure…

à bon entendeur !

Voici donc chers lecteurs, un tout petit aperçu des recommandations du guide d’Emmanuel.

Sachez que ce livre, certes dense (plus de 300 pages, une gageure, par les temps qui courent);-), propose :

— des tableaux, extrêmement clairs et synthétiques, dont le contenu donne aussitôt envie d’en savoir plus en se plongeant dans les explications texte,
— des exemples concrets et qui nous parlent, pour nous garder en alerte
— des « mots d’experts », édifiants et inspirants
— des listes de questions à se poser (qui vous empêcheront peut-être de dormir)
— des encarts sur ce qu’il faut retenir…

Bref, direction la librairie, votre transformation commence aujourd’hui !

À propos d’Emmanuel Vivier
Après avoir commencé en 1998 chez B2L [agence digitale de BBDO], Emmanuel a cofondé et dirigé pendant dix ans l’agence de publicité Vanksen.

Petit à petit, une autre idée a fait son chemin : plutôt que de construire des campagnes pour les entreprises, pourquoi ne pas plutôt les aider à comprendre ce qui se passe, filtrer la quantité d’informations qui la concerne, et voir venir l’innovation qui va bouleverser son écosystème ?

Ainsi est né le HUBInstitute, un « think thank » digital qui forme et conseille de grandes marques au niveau international, publie plus de dix rapports chaque année sur les tendances numériques [les HUBReports] et anime l’écosystème du marketing digital…

 

Au fait, chez Wojo on ne fait pas qu’écrire !

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