Face aux sollicitations constantes inhérentes à nos modes de vie ultra connectés, nos capacités de concentration se réduisent comme peau de chagrin. Sur le banc des accusés, Internet, les distractions numériques et leur cortège de notifications qui fragmentent notre attention. Pour résister, prouver que l’on existe en fournissant un travail de qualité, le deep work, ou travail en profondeur, est notre meilleur allié. Découvrez pourquoi, et surtout comment atteindre cet état d’hyper concentration défini par Cal Newport, et libérez le meilleur de vos capacités. Tout un programme !
Deep work : définition
On appelle “deep work », ou travail en profondeur, un état de concentration maximale qui vous permet de fournir un travail efficace et complexe en poussant nos capacités cognitives à leur maximum. Cal Newport, professeur en sciences informatiques à l’université de Georgetown, a théorisé le concept dans son livre Deep Work : Retrouver la concentration dans un monde de distraction (éd. Alisio, septembre 2017). Il a ensuite décliné cette théorie et ses conseils dans d’autres livres qui approfondissent la question, comme Réussir sa vie grâce au minimalisme digital.
L’auteur insiste sur l’importance d’éliminer toute distraction dans nos activités, et notamment tous les outils de communication (téléphone, emails, réseaux sociaux, plateforme collaborative, etc.) afin de permettre au cerveau de fonctionner à son maximum. Idéalement plusieurs heures par jour, et a minima 1h à 1h30 d’affilée pour obtenir des résultats significatifs.
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Avantages : pourquoi le deep work change la donne
Au-delà de l’état de concentration, le deep work constitue une véritable philosophie de vie professionnelle. Il permet d’augmenter significativement la productivité sans pour autant rallonger les journées de travail. En se concentrant sur une seule tâche à la fois, on réduit la fatigue cognitive, on améliore la qualité du produit final et on stimule durablement les capacités intellectuelles.
Des études en économie cognitive montrent que les individus pratiquant régulièrement le travail en profondeur obtiennent des résultats plus solides, sont plus créatifs et rapportent un niveau de satisfaction professionnelle plus élevé. Dans un monde où la distraction est devenue la norme, la capacité à se concentrer devient une compétence rare – et donc précieuse. Cette compétence constitue un avantage concurrentiel décisif dans la vie professionnelle, quel que soit le métier.
Le deep work est aussi un levier de sens. Travailler profondément, c’est aller au bout d’un sujet, résoudre des problèmes complexes, produire un contenu de qualité… bref, avoir le sentiment de contribuer vraiment. Un retour à l’essentiel, à rebours de la superficialité induite par certains outils numériques et réseaux sociaux, qui mobilisent notre attention mais la diluent trop souvent sans créer de valeur réelle.
Les pièges anti-concentration
Vous l’aurez compris, « deep worker » est un facteur de succès quand on mobilise pleinement ses capacités. Mais qu’est-ce qui nous empêche de le faire au quotidien ? Voici quelques exemples des problèmes qui nuisent à notre concentration :
- Montrer sa productivité en pratiquant le multitasking au travail ;
- Appétence pour l’instantanéité et la facilité : il est plus valorisant pour notre esprit de récolter des likes sur un post LinkedIn ou Instagram que d’attendre un retour sur un dossier de longue haleine qui a nécessité des mois de travail ;
- Multiplication des outils de travail au sein des organisations, qui obligent à passer constamment de l’un à l’autre ;
- Fragmentation des journées des réunions à répétition (mais difficile de refuser quand on sollicite notre présence). Une étude menée par Asana en 2022 montre que 129 heures annuelles, soit 16 journées de travail, sont consacrées à des réunions superflues selon les salariés.Cette économie de l’attention où les réunions se succèdent ne laisse pas de temps au vrai travail. Pourtant, c’est en limitant ces sollicitations que l’on redonne du sens à la journée de travail.
- Des pauses à un moment pas toujours choisi vs notre processus de concentration (mais difficile de refuser quand un collègue propose de prendre un café ensemble).
- Injonction à apporter une réponse immédiate à ses messages (email, messagerie interne, etc.) pour montrer son implication et sa réactivité… 42 % des collaborateurs et 50 % des managers éprouvent le besoin d’apporter une réponse immédiate à leurs messages (étude Asana 2022).
- Citons aussi les outils numériques. Mal utilisés, ils agissent comme des perturbateurs de l’état de concentration. Ils transforment notre vie professionnelle en une succession de tâches urgentes mais souvent peu stratégiques.
Et on en oublie. Tout ceci concourt à fragmenter l’attention, la concentration, et rend impossible un travail en profondeur pourtant nécessaire pour accéder à un niveau de qualité supérieur.
Le shallow work, ennemi juré du deep work
À toutes ces sources de distraction vient s’ajouter notre appétence naturelle à pratiquer le « work about work ». C’est-à-dire des activités consacrées à l’organisation du travail, la logistique, la coordination de projets qui, si elles sont nécessaires à l’aboutissement desdits projets, nuisent à l’intensité de la concentration. Problème : on se retrouve alors enfermé dans une dynamique de « shallow work », ou travail superficiel. Il implique des tâches simples, mais à faible valeur ajoutée et chronophages, comme la gestion du stock d’e-mails ou la participation à des réunions non essentielles.
Les adeptes de la procrastination les connaissent bien. Ce sont toutes ces petites activités faciles à accomplir de manière mécanique, qui évitent de s’attaquer à l’activité principale et stratégique qui nécessite une concentration approfondie. La théorie du deep work ne propose pas bien sûr de les éliminer, sous peine de nuire au bon fonctionnement des organisations, mais de limiter les plages horaires consacrées à ces tâches superflues pour se consacrer en profondeur aux celles à forte valeur ajoutée. Mais alors comment faire ?
Les 4 philosophies du Deep Work
Cal Newport détaille dans ses livres quatre philosophies d’organisation du travail. Chaque personne peut ensuite choisir celle qui correspond le mieux à son mode de vie et sa façon de travailler pour passer en mode « deep work ». Ces méthodes constituent autant de pistes pour organiser son emploi du temps, selon une philosophie du travail adaptée à chacun. Elles permettent de se recentrer sur l’essentiel, en éliminant le bruit causé par les réseaux sociaux et autres jeux de productivité apparente.
Ces différentes méthodes ne sont pas forcément faites pour être prises au pied de la lettre dans votre propre organisation. Elles sont plutôt utiles pour cerner le type de rythme qui vous conviendrait le mieux, selon votre personnalité et votre métier. Une fois cela, il sera nécessaire de prendre de bonnes pratiques pour transformer l’essai en habitude.
Philosophie monastique
Accrochez vos ceintures, on parle là de l’approche la plus extrême du travail en profondeur. L’idée : se couper de toutes distractions pendant de longues périodes. Par exemple, décider pendant une semaine qu’on ne répondra à aucun message pour se consacrer au deep work. Séduisant mais pas forcément évident à mettre en place lorsqu’on est salarié.e d’une entreprise.
Philosophie bimodale
Comme son nom l’indique, travailler en deep work bimodal revient à alterner vie « normale » et vie monastique. Concrètement, Cal Newport propose de diviser son temps entre activités faciles la moitié du temps, et de se concentrer intensément sur des tâches complexes l’autre moitié du temps. Ce mi-temps consacré au deep work peut ainsi s’effectuer à distance du bureau, dans des espaces qui favorisent la concentration et le calme.
Philosophie rythmique
Sans doute la plus facile à mettre en place, au moins pour commencer, c’est de fixer des créneaux réguliers dans sa journée pour travailler en profondeur. Par exemple, on réserve son créneau de 14h30 à 16h30 à du deep work, et on vaque à ses occupations le reste du temps.
Philosophie journalistique
La nécessité d’écrire rapidement leurs articles impose aux journalistes de basculer en mode deep work à tout moment, et pour des durées parfois courtes entre deux rendez-vous ou conférence. Cette démarche demande de développer une forte agilité mentale permettant de passer d’un mode à l’autre en un clin d’œil.
9 bonnes pratiques pour faire du deep work une habitude
À titre individuel comme au niveau des organisations, encourager le travail en profondeur n’est pas si compliqué. Nous en avons tous et toutes la capacité. La démarche demande une remise à plat des processus et de la méthode de travail. Objectif ? Gagner en efficacité, et in fine devenir source de bien-être pour les équipes. Si vous trouvez cela difficile, n’oubliez pas que « la motivation vous fait commencer, mais c’est l’habitude qui vous fait continuer. » Dont acte.
1 – Organiser son temps
Règle numéro 1 pour rendre possible le deep work : s’or-ga-ni-ser. C’est-à-dire planifier sa journée de travail en réservant des plages dédiées à la concentration, d’autres aux réunions / échanges, et enfin aux tâches logistiques et aux emails / messages. De nombreuses méthodes proposent des outils pour trouver l’organisation qui vous convient.
Certains préféreront bloquer une ou deux journées dans leur semaine pour travailler en profondeur, en regroupant toutes les réunions et réponses aux messages le reste du temps. D’autres découperont leur journée en blocs pour regrouper les activités similaires et les accomplir plus rapidement. Ils libèreront des plages de deux heures pour se concentrer intensément sur des sujets importants.
Lorsque vous programmez une plage de deep work, décidez la tâche que vous traiterez pendant cette session. Vous gagnerez en efficacité et en pertinence.
2 – Créer des conditions favorables à la concentration
Vous pourrez avoir l’agenda le plus organisé possible, si vous baignez dans un environnement bruyant où les distractions et stimuli sont fréquents, vous ne réussirez pas à vous concentrer, ou alors au prix d’efforts très importants. L’idéal est donc de s’isoler.
Par exemple en réservant une salle de réunion pour travailler au calme. Ou encore en décidant de travailler certains jours depuis un espace de coworking proposant des espaces calmes, comme Wojo. Nos sites mixent bureaux privatifs, espaces animés dédiés à la convivialité, et coworkings calmes où le silence est roi… et la concentration reine ! Cette solution est très appréciée par les collaborateurs en télétravail. Ils bénéficient ainsi de conditions optimales à un travail de qualité dans un espace à proximité de chez eux.
3 – Neutraliser les distractions et les notifications
Vous avez neutralisé les distractions sociales ? Reste à éliminer les distractions digitales, ce qui n’est pas une mince affaire. Avant d’entamer une session de deep work, on met son portable en mode avion, on ferme sa boîte mail, sa messagerie et ses réseaux sociaux. On respire en se répétant que le monde ne s’arrêtera pas de tourner si on répond en deux heures plutôt qu’en deux minutes, et on s’y met ! Pour le reste, on réserve des plages horaires dans sa journée où se perdre dans son fil d’actu sur les réseaux sociaux et apporter une réponse à tous ses messages de manière efficace et rapide.
4 – Ritualiser le passage au mode « deep work » pour créer un déclencheur dans le cerveau
Toutes les actions citées ci-dessus participent à une forme de rituel « deep work ». Elles aident le cerveau à se plonger dans un état d’hyper concentration. Vous pouvez aller encore plus loin en créant un vrai rituel qui permettra à vos neurones d’associer une habitude à l’activation du mode deep work. Vous pouvez par exemple :
- Vous accorder une à deux minutes de méditation ;
- Vous concentrer sur votre respiration pendant quelques cycles ;
- Allumer une bougie ;
- Lancer un morceau de musique ;
- Ranger votre bureau pour faire place nette devant vos yeux comme dans votre esprit ;
- Vous préparer une boisson chaude,
- etc.
À chaque personne sa façon de ritualiser le déclencheur qui lui convient pour créer sa bulle de concentration.

5 – Éliminer et regrouper les tâches futiles (shallow work)
Pour ceci, analysez vos tâches en utilisant la matrice d’Einsenhower, afin de déterminer celles qui sont :
– Importantes et urgentes
– Importantes mais pas urgentes
– Pas importantes mais urgentes
– Pas importantes et pas urgentes.
Une fois ce tableau rempli, priorisez dans votre organisation du travail les tâches importantes et urgentes. Déléguez les pas importantes et urgentes. Éliminez les pas importantes et pas urgentes. Vous pourrez consacrer une session ultérieure de deep work en travaillant intensément sur les tâches importantes et non urgentes pour les traiter de manière qualitative.
6 – Redéfinir les modes de communication
Au sein des organisations, il existe de nombreuses manières de favoriser la concentration maximale et de maintenir son intensité. Par exemple :
Encourager la communication asynchrone, en invitant les collaborateurs à désactiver leurs notifications tout en planifiant des créneaux dédiés aux réponses.
- Clarifier les rôles et responsabilités de chacun sur les projets, afin de réduire le nombre de réunions et le travail de coordination.
- Réserver des créneaux horaires dédiés aux réunions, et d’autres au travail individuel. Par exemple, toutes les réunions projet doivent avoir lieu entre 9h30 et 11h le matin. Ainsi, le reste de la journée est libre pour travailler au calme.
- Centraliser les activités et communications internes sur un outil unique, afin d’éviter la dispersion de l’information… Et de la concentration.
7 – S’épargner les réunions inutiles
Apprenez à dire « non » aux réunions si elles ne sont pas indispensables à l’avancée de votre travail. Pour cela, deux outils peuvent vous aider :
- Assurez-vous de l’utilité des réunions en demandant à chaque fois qu’un ordre du jour soit préparé et transmis en amont. Il permettra d’évaluer l’urgence (ou pas) de la réunion, et de la présence d’actions à traiter (ou pas) lors de cette réunion.
- Évaluez la pertinence des réunions, ou du moins de votre présence à ces réunions. Listez celles auxquelles vous participez, et évaluez leur intérêt et utilité avec un score de 1 à 5. À partir de 3, il est préférable de les décliner.
À lire aussi : 7 fondamentaux pour rédiger un ordre du jour efficace
8 – Se fixer des objectifs et les suivre
Parce que pratiquer le deep work demande de l’organisation et une ritualisation, déterminer des objectifs à accomplir aide à garder cette habitude. Par exemple, décider que l’on se laisse deux sessions pour terminer la rédaction de cet appel d’offres. Décider que l’on aura identifié trois nouveaux concepts d’innovation à proposer d’ici la fin de la journée, etc.
Vous pouvez les afficher au-dessus de votre bureau, ou les noter dans votre agenda en même temps que vous réservez des plages de temps au deep work. Cal Newport propose de créer un planning quotidien sur lequel noter ses objectifs et cocher ceux qui sont atteints. Veillez à choisir des objectifs mesurables et précis, plus faciles à suivre et donc plus motivants. Pourquoi ne pas vous aider de la méthode SMART pour les choisir ? SMART comme
- Spécifique
- Mesurable
- Atteignable
- Réaliste
- Temporellement défini
Ces objectifs professionnels peuvent aussi être visualisés via des outils de gestion comme Notion, Trello ou encore un simple carnet papier. Le deep work, bien structuré, devient un produit mental de haute qualité, digne des projets les plus ambitieux.
À lire aussi : Pratiquer la méthode GTD, Getting things done
9 – Ne pas oublier de faire des pauses
Notre cerveau a des capacités formidables… Mais a, comme tout le monde, besoin de souffler pour recharger ses batteries. Durant les phases de deep work, on s’autorise une courte pause toutes les 45 minutes environ. Pas question pour autant de rallumer son téléphone ou de lire ses mails. On en profite plutôt pour faire quelques pas, écouter un morceau de musique… ou tout autre activité qui ne nous fait pas sortir de notre état de concentration.
Dans l’organisation de sa journée de travail, on n’oublie pas de réserver des plages dédiées à la détente. Marche à l’heure du déjeuner, méditation ou sieste, sport… De bonnes performances cognitives reposent aussi sur un équilibre global intégrant sport, repos et convivialité. On profite aussi des interactions sociales en dehors des plages de deep work pour s’inspirer et échanger.
Quand le deep work appelle le deep work
Le cerveau fonctionne comme un muscle. Plus il est habitué à fragmenter son attention, et plus il aura de difficulté à atteindre un état de concentration profonde. À l’inverse, si vous l’entraînez à rester concentré sur un seul sujet pendant de longues périodes, atteindre cet état sera de plus en plus facile. C’est un peu comme le sport : le plus dur, c’est de s’y mettre, et ensuite, l’habitude crée de la facilité.
Et comme le sport, le deep work et l’hyper concentration associée apportent une forme de sérénité. Vous stimulez votre attention, votre créativité, en perdant la notion du temps, sans avoir la sensation de fournir un effort particulier. Cet état de « flow » où tout semble facile et à votre portée est très gratifiant, d’autant plus qu’il débouche sur un travail significatif, qui se démarque par sa qualité.
Ces stars qui pratiquent le deep work
De nombreuses personnalités à la réussite emblématique ne s’y trompent pas, et ont adopté le deep work comme philosophie de travail. Lorsqu’il dirigeait Microsoft, Bill Gates était connu pour ses retraites régulières de deux semaines dans une cabane au fond des bois. Pas de mail, ni de téléphone, ni même d’humain à proximité. Il consacrait ce temps d’isolement à réfléchir sur de futures innovations et investissements. Au vu des résultats de Microsoft, ce deep work s’est avéré fructueux.
JK Rowling a aussi communiqué sur une diète complète de réseaux sociaux et de contacts humains pendant l’écriture du dernier Harry Potter. Elle a choisi de s’isoler six mois dans une chambre d’hôtel, sans contact avec le monde extérieur pendant ses journées de travail afin de mener à bien la fin de sa saga.
Le mot de la fin
Vous l’aurez compris, le deep work revient à tirer le meilleur parti de nos capacités… et lutter contre notre tendance à ressembler de plus en plus à un poisson rouge. Pour les organisations, favoriser une culture du deep work revient à signaler une vraie volonté de transformation organisationnelle. C’est une manière d’investir dans le cerveau de ses collaborateurs et de créer des conditions favorables à un travail de fond, profond, et durable. Une stratégie qui bénéficie à tous : salariés, managers et clients. Le prix à payer ? Quelques ajustements dans les outils, l’agenda et les habitudes, pour retrouver une attention soutenue. Mais le retour sur investissement est vite au rendez-vous. Créer une organisation du travail propice au deep work, et former ses salariés à de nouveaux modes de communication et de réunion constituent les deux piliers de la démarche.